Népal 2011 - Partie IV et Fin

Août 2011 Népal 2011

Quatrième et dernière partie des aventures népalaises. Après la jungle et les sommets du Langtang quelques jours de marche dans la vallée de Katmandou constitutent un "voyage dans le voyage", tant l’ambiance est différente.

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Mardi 31 mai : Nagarkot – Bhakatapur

Lever à 7 heures. Il a plu cette nuit, de larges flaques d’eau tiède baignent les nombreuses terrasses de l’hôtel et le sommet des collines émerge paresseusement des nuages. Pas de lever de soleil sur les montagnes aujourd’hui, donc pas de regret d’avoir fait la grasse matinée. Après l’arrivée surréaliste de la nuit, le paysage se dévoile doucement devant nous.

Au programme ce matin : « repos », ce qui veut dire qu’après le petit déjeuner, la plupart d’entre nous s’activent frénétiquement pour faire de la lessive, sécher, trier le contenu des sacs ou déplier les joëlettes.

A cause de quelques quiprocos propres à tout restaurant népalais, le « repas léger » de midi se transforme en avalanche de spaghettis, nans (galettes beurrées), crêpes et autres pains frits, le tout largement accompagné d’un assortiment de légumes où les rondelles de poivrons verts dissimulent traitreusement des piments qui tuent !

Autant dire qu’ensuite, le décollage pour la « petite randonnée de 3 heures » (en descente) ne se fait pas sur un rythme effréné. D’autant plus qu’il fait très chaud et lourd. Nous suivons la route qui serpente au milieu des pins et des habitations. Nagarkot est un lieu de villégiature prisé des touristes comme des népalais ; les hôtels, « lodges », « resorts » y sont nombreux éparpillés au milieu des arbres. Des panneaux défraichis rivalisent de superlatifs : le « hill top superb view resort » n’est en fait qu’une cabane en planches à l’ombre d’un buisson de bambous. Dans un cadre aussi bucolique, le camp militaire (centre d’entraînement des commandos) ne parait pas très sérieux.

Après une bonne heure de montée (en donc de suée) sur le bitume, nous arrivons au bout de la route, au sommet d’une colline réputée pour sa vue sur les montagnes. Etant donné les nuages qui bourgeonnent de toute part, on ne se donne même pas la peine d’aller jusqu’en haut ; on enchaîne direct par la descente sur une large piste forestière au milieu des pins.

A la sortie de la forêt on s’égare dans un village, les habitants nous remettent fermement sur le bon chemin. La piste descend à flanc de colline en serpentant entre les champs de maïs. La vallée de Katmandou s’étend devant nous barrée par un rideau de pluie qui vient rapidement à notre rencontre. C’est la douche ! L’eau n’est pas froide mais elle rend le chemin glaiseux bien glissant !

L’averse cesse bientôt et le soleil revient. Nous traversons tous fumants un village au bas de la colline. Les champs de maïs font place aux rizières vert tendre dans ce décor se dressent les cheminées coniques (parfois de guingois) de briqueteries, semblables à des tours de Babel.
Le soleil s’estompe et la campagne se drape d’une lumière dorée, mais la ville est encore loin.

Encore des rizières, des potagers et enfin des maisons. A la nuit tombante, nous entrons dans Bhaktapur par les champs, en contournant un large « pond » (bassin) avant de plonger dans les ruelles. Le crépuscule rend cette arrivée encore plus fantastique : les pagodes sculptées se devinent dans la pénombre, amplifiant les bruits et les odeurs, accentuant le caractère féérique de la « cité des dévots ».
La petite balade de 3 heures en aura duré 6 !

Mercredi 1er juin : Bhakatapur

Ce matin, visite de la ville. Bhaktapur est un musée à ciel ouvert, et notre hôtel est en plein centre : au milieu des temples, des pagodes et des maisons en briques aux fenêtres de bois sculpté.

L’ambiance fantastique d’hier soir n’a pas réussi à Cathy qui a entendu des hurlements bizarres dans la nuit !

A deux pas de l’hôtel nous flânons sur « Durbar Square » (la place royale) avec ses temples extraordinaires : pagodes aux poutres finement ouvragées, escaliers de pierres encadrés de sculptures monumentales. Tout cela s’intègre harmonieusement avec la cité : une marchande de légumes a posé ses paniers sur la première marche d’un petit temple, les écoliers en uniforme montent sur le dos de l’éléphant de pierre avant d’aller en classe.

Plus loin c’est l’aspect agricole de Bhaktapur qui apparaît : dans toutes les cours il a du riz. Des gerbes fraîchement moissonnées aux grains mis à sécher au soleil en passant par le battage ou le vannage, les habitants s’activent pour engranger cette céréale qui constitue la base de leur alimentation. Les pigeons se régalent des grains oubliés entre les briques dont les ruelles sont pavées.

On se scinde en plusieurs petits groupes pour mieux déambuler dans la ville. Avec Jean-Lou, Vincent, Monique et Annie nous prenons notre repas de midi dans un restaurant avec une calme cour intérieure. Tellement calme que nous sommes les seuls clients et notre arrivée tire le cuisiner et les serveurs de leur léthargie. Un large parasol nous abrite aussi bien des piquants rayons du soleil que d’une averse soudaine.

L’après-midi quartier libre. La visite de la fabrique de papier artisanal vaut le détour. Au fond d’une petite cour, sur quatre niveaux du sol jusqu’aux toits, un incroyable capharnaüm regroupe toutes les étapes de la fabrication : depuis l’extraction des fibres végétales jusqu’au façonnage des carnets et autres calendriers. Teinture, séchage, impression, découpage, collage, reliure : tout est fait à la main à l’aide de machines d’un autre âge. Emergeant d’un monceau de papier, une tête de Bouddha sculpté contemple une ouvrière assise en tailleur qui découpe de délicats motifs dans un papier décoré de fleurs séchées.

En rentrant à l’hôtel Nico peut assouvir sa passion pour les mangues, tout en sirotant un jus de canne à sucre fraîchement pressé.

Jeudi 2 juin : Bhaktapur – Shanku – Katmandou

Départ en joëlette directement de l’hôtel pour grimper jusqu’au temple de Changu Narayan. La sortie de la ville nous permet de goûter aux joies de la circulation népalaise : klaxons et gaz d’échappement. Mais bientôt nous quittons le tumulte en empruntant une petite route à travers la campagne.

Soleil de plomb, ça chauffe dur sur le goudron, mais pour une fois le terrain est roulant. Une halte auprès d’une fontaine est bienvenue avant d’attaquer la montée sur la colline de Changu. En deux heures à peine, nous y sommes. Changu Narayan est le plus ancien temple de la vallée de Katmandou ; bâti en 464 puis reconstruit au XVIIème siècle, il abrite des sculptures en pierre sans équivalent, qui témoignent de la richesse des royaumes du Népal.

Une enceinte carrée entoure une petite pagode dorée. Elle contient des statues dont la vue est réservée aux seuls regards des hindous.

L’endroit est très calme, dommage de n’avoir pas le temps d’y flâner plus longtemps, mais Stéphane a passé commande pour 12h30 à la gargote à l’entrée du site et le dahl bhat n’attend pas. On mange dans la paillotte où l’on resterait bien faire une sieste à l’ombre des bambous, gagnés par une langueur tropicale. Les joëlettes, garées sur le parking à côté des motos intriguent les rares visiteurs.

Ensuite il s’agit de rallier le village de Shanku, de l’autre côté de la colline par un chemin à flanc au milieu des cultures. Les habitations sont parsemées au milieu des champs. L’odeur des fleurs alterne avec celle des ordures !

Les paysans s’arrêtent sur notre passage. Ils ne voient guère de touristes par ici, encore moins dans de tels équipages. D’ailleurs ils ne veulent pas que nous prenions les sentiers en nous indiquent la piste principale. Mais forts du repérage de Stéphane, nous prenons drêt dans l’pentu par un escalier qui abouti directement au milieu des rizières. Les tenues rouge vif des femmes ponctuent le vert tendre des terrasses. Un buffle échappe à la surveillance de son gardien, distrait par le passage des joëlettes. L’animal laboure un coin de rizière pour se rouler voluptueusement dans la boue grise. Des libellules zèbrent l’air calme.

Au milieu de la vallée, il faut traverser à gué la rivière, tiède et boueuse à souhait. L’eau est tellement douce qu’on se baignerait volontiers dans ce qui doit être un magnifique bouillon de culture.

Une dernière remontée nos mène au village de Shanku, terminus pour les joëlettes. En attendant le bus commandé par Temba pour 17h, on plie les bolides avant des les hisser sur le toit du véhicule.

Direction Shechen, notre « camp de base ». Mais dans les faubourgs de Katmandou nous attend un embouteillage monstre. Tout est bloqué, en une heure nous avons dû avancer de 200 mètres. Les passants nous apprennent que la police a « dispersé » des vendeurs ambulants qui bloquaient la circulation, créant ainsi une émeute. Impossible d’avancer. Le chauffeur fait demi-tour et s’engage dans un labyrinthe de ruelles ou visiblement notre véhicule est hors gabarit. Stéphane et l’aide chauffeur montent sur le toit pour soulever les fils électriques qui se prennent dans les roues des joëlettes.

Finalement nous arrivons à Shechen et sous nos yeux éberlués, le chauffeur fait un demi-tour magistral dans l’étroite courette. Applaudissements !

Vendredi 3 juin : Katmandou

Le matin départ pour Swayanbunath : « Monkey Temple ». Le bus nous dépose en haut de la colline « à l’entrée de derrière » où nous déplions les joëlettes.

Swanyanbunath c’est l’autre grand stupa (avec Bodnath) de la vallée de Katmandou, le royaume des shortens… et des escaliers. Une multitude de petits stupas sont dispersés sur la colline sur de nombreux niveaux, des escaliers zigzaguent au milieu des arbres où vivent des groupes de singes ; jusqu’au grand stupa tout en haut. La visite est un bon exercice de montée et de descente de marches en joëlette. Mais on a l’entraînement.

Après quelques tours du grand stupa et la contemplation de la vue panoramique sur Katmandou, c’est la descente par l’escalier vertigineux. Du haut en bas : 404 marches en une seule volée raide et rectiligne ! (On a compté)

Ensuite nous roulons jusqu’au quartier de Thamel. Le groupe envahit le restaurant « Nepalese Kitchen » pour le repas avant de décréter 1h30 de temps libre pour ceux qui veulent faire du shopping. Guère le temps de flâner !

Il est déjà tard quand nous repartons – toujours en joëlette – pour « Durbar Square », en se faufilant à travers les ruelles bondées.
Stéphane étant resté en arrière pour acheter des bols et des assiettes pour l’intendance HCE (Saviez vous que la vaisselle utilisée lors des séjours vient du Népal ?), nous l’attendons à l’entrée (payante) du « Durbar Square ». Les népalais nous regardent intrigués, on nous pose quelques questions, un attroupement se forme autour des joëlettes. En rigolant Morgane tend le chapeau de Solène. Elle récolte 250 roupies !

Mais il est déjà tard, le bus nous attend pour 18h, la visite de la célèbre place et de ses nombreux temples s’effectue au pas de charge. Dommage, il y a tant à voir ici.

Ensuite il faut ressortir du centre-ville pour rejoindre le bus. Les joëlettes sont prises dans la circulation folle. Ici, traverser une rue est un sport extrême. Il y a des motos partout. D’ailleurs, chaque rue est bordée, de chaque coté, de deux rangées ininterrompues de motos en stationnement. Après une bonne demi-heure de gymkhana ; on plie les joëlettes et on embarque dans le bus pour rentrer à Shechen.

Samedi 4 juin : Katmandou – Paris

Lever à 7h pour nettoyer les joëlettes, les plier et les conditionner pour l’avion. Au soleil dans la cour c’est la suée garantie. On profite une dernière fois du petit déjeuner dans le jardin. Il faut plier et empaqueter toutes les affaires. Et cette fois pas question d’excédent de bagage. Tous les sacs passent à la pesée. Tant pis pour ceux qui rêvaient de revenir chargés de cadeaux souvenirs.

Nous sommes invités pour manger chez Tsiring, Temba et toute la famille, en plus c’est sur le chemin de l’aéroport, pratique. Vers 11h nous nous mettons en route avec les fauteuils (les joëlettes sont définitivement emballées).

Il faut rejoindre le stupa, (et hop encore trois-quarts de tour pour le karma), traverser le boulevard (Olé !) et s’enfoncer dans les ruelles pour rejoindre « la maison ». La dernière rue est « en travaux », c’est à dire complètement défoncée, aargh ! Un jeu d’enfant en joëlette, mais avec les fauteuils, c’est la suée garantie. Isabelle décide de marcher pour les 100 derniers mètres au milieu du chantier… sa béquille rafistolée n’y survivra pas !

Toute la famille nous attend de pied ferme pour nous servir un « massouko dhal baht » tout en haut sur la terrasse, à l’ombre d’une grande bâche tendue en guise de vélum. Délicieux !

La maison est entourée d’un petit jardin potager, rempli à 90% par des plants de… piment. Même les pots de fleur sur la terrasse en contiennent !

Nous sommes vraiment tous prêts de l’aéroport : du haut de la terrasse on voit l’extrémité de la piste où les avions font leur demi-tour après avoir atterri. Cette fois, pas de doute, ça sent la fin du voyage !
Après le repas on reprend notre bus pour rejoindre l’aéroport, ce n’est pas loin mais il faut faire un grand tour pour rentrer par le bon côté, et nous avons à trimballer tous les bagages.

Après un peu de flottement et quelques coups de téléphone de Temba, nous retrouvons l’équipe Handi Cap International qui vient récupérer les quatre fauteuils roulants, les béquilles ainsi qu’un déambulateur, qui resteront au Népal. La béquille d’Isabelle ayant définitivement rendu l’âme, on en pique une dans le tas pour faire un échange standard !
L’enregistrement se passe sans anicroche (tous les bagages en vrac, bonjour l’angoisse s’il en manque à l’arrivée). Deux employés me donnent les cartes d’embarquement éditées sur du vulgaire papier à picots. Puis un troisième (qui ne glande rien) me lance une œillade et me dit sur le ton de la confidence « You are big group, I give you tickets ». Mais les tickets, je les ai déjà, je viens de les recompter deux fois ! En fait c’est juste un prétexte pour m’extorquer un pourboire 10 minutes plus tard !

Une fois remplies les cartes de « désembarquement », passé l’immigration, le scanner et la fouille manuelle des bagages cabine, finalement on est juste à l’heure pour embarquer.

L’avion est arrêté juste devant la porte, on marche simplement jusqu’à l’avion. Du sommet de la passerelle on peut même jeter un dernier regard sur Katmandou, dans la lumière dorée du soir.

Après le décollage, l’avion fait un grand cercle, j’ai le temps d’apercevoir par le hublot les montagnes du Langtang qui émergent des nuages. De l’autre côté de l’appareil Nico voit l’Everest et plus tard les Annapurna.

« Bye bye Nepal », « Pheri Betola » (Au revoir) !

Texte : Denis Flaven et Isabelle Grandclément

Photos : Jean-Lou Ouvrard, Vincent Harre, Frédérique Zeidler, Jacky Ballini et Denis Flaven