Népal 2011 - Partie III

Août 2011 Népal 2011

Après avoir atteint Langshisha Kharka, le trek est loin d’être terminé. Il faut maintenant redescendre jusqu’au point de départ : Syabru Besi puis rentrer à Nagarkot.

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Jeudi 26 mai : Numthang – Langtang

Après le « sommet » d’hier, cette fois la direction est résolument le bas. Ce matin le temps est gris et maussade, on a eu du bol pour la météo hier !

Après le petit dèj, on démonte le camp, les porteurs sont remontés de Kyangin Gompa et récupèrent tous les sacs alignés sur la pelouse, et hop, c’est parti pour une bonne étape de descente.

On passe près d’un petit abri avec un muret en pierre construit sous une grosse roche à quelque distance du chemin. La légende locale dit qu’un lama et son disciple s’étaient établis là, un jour la pierre s’ébranla et menaça de s’effondrer, le disciple s’enfuit, mais le lama retint la pierre… il parait qu’on voit encore l’empreinte de ses mains dans la roche au plafond. Bishal va voir et Karma lui crie des indications (du genre « plus au fond »…) mais apparemment c’est dur à trouver !

On s’arrête au début de « la plaine », sur l’autre rive des bucherons coupent de maigres arbres et entassent le bois à l’abri d’un gros bloc de notre côté. Le tas de bois est déjà bien fourni : l’hiver sera rude. Un grand père arrive et s’arrête comme nous sur la pelouse au bord de la rivière. On partage quelques fruits secs. Il tient à la main une boîte en plastique contenant quelques poignées de sel qu’il monte porter à ses yacks.

La traversée de la plaine et vite expédiée, voici « la plage » et maintenant il faut remonter. Malgré nos exhortations « bistaré ! zig-zag ! », Sonam a pris la corde et tire droit dans l’pentu ! Heureusement, le gazon est roulant et la montée pas trop longue.
Ensuite reste à franchir le ruisseau. La traversée est vite expédiée, le temps menace il fait nettement plus froid et personne n’a envie de traîner sous la pluie.

On arrive à Kyangjin Gompa juste avant l’averse, pour se réfugier à l’intérieur du lodge en attendant le repas de midi.

Dehors il se met à pleuvoir, et ça caille nettement. Personne n’est pressé de repartir une fois le repas terminé. Est-ce que la pluie va s’arrêter ou au contraire redoubler de violence ? Wait and see… avec une couverture chinoise, la sieste sur la banquette est fort agréable.

Paulo part devant, il veut descendre à son rythme à cause de sa cheville toujours douloureuse. La proposition de partir rapidement ne soulève guère d’engouement. Au chaud et au sec, avec la digestion, une douce torpeur nous envahit…
Bon, finalement il faut bien bouger, la descente est encore longue jusqu’à Langtang. On commence à sortir les vestes goretex, kway, capes de pluie, et tutti quanti, ce qui a pour effet de faire cesser la pluie ! Tant mieux ! La descente au sec c’est pas mal non plus.

On retrouve les passages empruntés à l’aller : descente raide jusqu’au petit pont (on est vraiment montés par là ? bigre !), le gros bloc sculpté à contourner toujours par la gauche, les moulins à prière, les murs mani avec leur petits shortens. Ca avance pas mal !

Le soleil est maintenant de retour, une large déchirure s’ouvre dans les nuages au dessus de la vallée. Derrière nous, les pentes qui dominent le village apparaissent : blanchies par une fine couche de neige. Diable, c’est pour ça qu’on n’avait pas chaud ! Mais sous ce soleil tropical, la neige disparaît comme par magie.

La vue est splendide, les cultures d’un vert tendre brillent dans l’atmosphère humide tandis que les rayons du soleil flirtent avec les nuages.
Une dernière descente, et voilà le village de Langtang. On coupe à travers les pelouses pour rejoindre directement Eco Lodge, chez Karma.

Vendredi 27 mai : Langtang – Lama Hotel

Ce matin grasse matinée : le lever est fixé à 7h. Paulo nous quitte, sa blessure à la cheville lui prend vraiment trop la tête, il préfère descendre à son rythme et rentrer directement à Kamtandou pour s’en occuper ; de notre côté nous prévoyons de faire un « détour » par Khangjim demain, avant de descendre à Syabru Besi.

Karma aussi nous dit au revoir, il a des travaux à faire (du bois à couper, etc…) c’est son fils qui prend sa place. Du coup le départ est un peu laborieux, on sent comme un léger flottement dans l’équipe. Mais bon, la descente est plutôt facile, pas trop technique, et puis ça descend.

Au détour du chemin, dans une descente raide, on croise… une équipe de télé népalaise. On ne sait pas trop ce qu’ils sont venus faire ici, mais ils filment les joëlettes et interviewent même Bishal !

Au deuxième pont suspendu de la matinée, on décide de faire une photo de groupe, en profitant du replat de l’entrée du pont. On s’installe comme on peut sur la plateforme en béton avec les montagnes du Langtang en toile de fond.

Un petit vieux arrive par le pont, portant un fagot de bois sur le dos. Il brandit la médaille qu’il porte autour du cou en disant « six cents »… en fait il veut la vendre ! Vincent H. la négocie à 500 roupies. Pensez-donc une authentique médaille du Langtang à ce prix là, c’est une affaire. Voyant que Jacky semble aussi intéressé, le petit vieux fouille dans ses poches et en sort… une autre médaille identique à la première ! En fait il ne paie pas de mine avec son visage buriné, mais c’est un redoutable vendeur ambulant !

Plus bas Morgane nous rattrape lors de la pause. Elle nous raconte qu’elle vient de conclure une affaire en or : elle a échangé ses baskets contre une médaille du Langtang… à un petit vieux qu’elle vient de croiser !

Il fait chaud quand nous arrivons à Goratabela pour le repas de midi. On s’installe en une grande tablée au soleil devant le lodge. Un couple de touristes regarde cette étrange troupe, un peu envahissante.

Le ciel se couvre, il est temps de repartir, une grande descente nous attend avant d’arriver à Lama Hotel. En parcourant le chemin en sens inverse on mesure mieux la difficulté de l’étape à la montée : on a vraiment fait ça ? Balèze !

On replonge à nouveau dans l’ambiance « Jungle » ; il fait d’ailleurs de plus en plus chaud. Mais ce n’est pas désagréable car le chemin est à l’ombre dans la forêt.

Je pilote Annie un moment, pour elle ce n’est pas facile, les joëlettes avancent assez vite et le sentier chaotique est une rude épreuve.

Pause coca à « River Side View » ; on croise quelques touristes, des porteurs et des népalais qui voyagent à pied. Tiens, ils ont tous un parapluie à la main. Le ciel se couvre de plus en plus et on descend toujours. Incroyable qu’on pu monter tout ça ! Maintenant le tonnerre gronde au dessus de la jungle, on va avoir droit à la rincée.

Le blessé du jour c’est Vincent H. : une joëlette l’a sauvagement mordu alors qu’il tentait d’arracher une poignée en faisant semblant d’avoir glissé. Souvenir du Népal : de belles égratignures.

Le couvert végétal nous protège un moment, mais c’est sous une pluie tiède que nous arrivons à Lama Hotel. Vite, tous à couvert dans la « dining room », les « helpers » népalais aussi !

Le thé et les petits gâteaux disparaissent en un rien de temps, même les népalais ne se font pas prier. Sonam fait le malin, mais Dawa à l’air fatigué, il faut dire qu’il a beaucoup donné.

Les jeunes népalais commentent des photos qu’ils se repassent sur le téléphone portable. L’un d’entre eux aperçoit la médaille de Jacky et demande "combien tu l’as acheté au petit vieux ?". D’après lui le prix correct, c’est plutôt autour de 350 roupies !

Morgane continue jusqu’à Rimche, elle nous rejoindra demain au passage.

Samedi 28 mai : Lama Hotel – Khangjim

Aujourd’hui on se paye une « variante » : au lieu de descendre directement à Syabru Besi via Bamboo Lodge, on bifurquera à Rimche pour aller à Khangjim (dont sont originaires la plupart de nos porteurs) via Sherpagaon. Sur la carte, une fois remontés à Rimche, c’est un sentier balcon quasiment de niveau. Le souvenir des escaliers entre Syabru Besi et Lama Hotel est resté bien présent dans tous les esprits, personne n’a envie de redescendre par là, alors autant essayer cette variante.

Ca attaque fort dès le départ avec un bon passage de bloc, juste après Lama Hotel. Je me souvenais assez précisément de cette arrivée, et bien ce n’est pas plus facile dans l’autre sens !

Au sommet de la montée pause à Rimche devant un petit lodge : c’est là qu’on retrouve Morgane. L’endroit est idyllique : eau fraîche, ombre douce ; on s’arrêterait volontiers une journée ici.

Ensuite le sentier s’agrippe en balcon à flanc de montagne. La pente est vraiment très raide, un faux pas en dehors du sentier risque de vous emmener jusque dans la Langtang Khola quelques centaines de mètres plus bas.

Pour un « balcon » il est tout sauf plat. Il y a même un escalier – en descente – comme suspendu au dessus du vide.

On s’élève petit à petit, avec à chaque fois une volée de marches. La rivière s’éloigne peu à peu en dessous de nous.

Temba et Tsiring récoltent des espèces de framboises jaunes dans des arbustes au dessus du chemin. Pas mauvais, mais il y beaucoup de petits grains. On traverse une forêt clairsemée avec des rhododendrons en fleur.

Le sentier franchit une première crête puis une deuxième avant de replonger brutalement dans un cirque, on aperçoit quelques maisons au milieu de terrasses cultivées : maïs, pomme de terre, c’est Sherpagaon. Comme il se doit la pause se fait au lodge d’en bas du village (descente puis remontée d’un escalier très raide).

Le propriétaire du lodge est unijambiste : il a du être amputé suite à une blessure qui s’est infectée.

Les porteurs nous disent que la suite est « saatjilo » (facile), mais le propriétaire me dit que pour aller à Khangjim, c’est « 4 hours, normal way ». On est pas arrivés !

On repart, petite descente technique dans le village pour aller reprendre le sentier principal en faisant le tour d’un mur « mani », puis les escaliers s’enchaînent, ça monte, ça monte sans fin. Depuis la dernière joëlette on aperçoit les autres équipes qui grimpent en lacets. Pour nous encourager Sonam nous explique que le sentier passe par un petit col, qui se devine sur la crête devant nous entre deux grands arbres caractéristiques, pas tellement plus haut. On y croit. Ca bloque devant, pourquoi sont-ils arrêtés ? Soudain la première joëlette réapparait loin au dessus des arbres, presque à la verticale de nous. Quoi ? Le sentier passe là haut ? Les derniers lacets sont ponctués de féroces escaliers qui nous ressemblent plutôt à des murs un peu inclinés. Jamais vu un sentier aussi raide.

Au sommet une grande terrasse nous accueille pour la pause. On sort la carte, force est de constater qu’après plus d’heure d’effort nous avons avancé d’à peine un cinquième de la distance, et dans la prochaine combe ça monte encore ! Même Sonam semble avoir pris un coup au moral. Les plaisanteries désabusées commencent à fuser : « Encore deux jours de descente comme ça et on sera à Langshisha ». On voit Bamboo Lodge, comme vu d’avion, 1000 mètres plus bas. « Eh Stéphane, on s’est trompés de chemin, c’est là bas le passage » !

Heureusement la combe qui suit est nettement plus facile, pas d’escalier vertigineux, juste quelques marches « normales » qui mènent à une sorte de petit col. Derrière, nous pénétrons dans une forêt de pins ; le sentier quasiment plat, sans une pierre, est tapissé d’aiguilles de pins. On se croirait presque dans une pinède sur la côte landaise, avec même le chant des cigales. Le moral revient, ça avance bien.

Après avoir franchi un autre petit col la descente s’accentue, mais toujours dans la forêt.

Inévitablement, le sentier devient plus caillouteux. Bientôt nous arrivons au milieu des champs, les premières maisons sont en vue, de nouveau le sentier n’est plus qu’un escalier ininterrompu ! Raide avec de grosses marches. Ça secoue, mais c’est efficace pour perdre de l’altitude.

Enfin voici le village, notre « staff » nous attend devant le « Potala Guest House ». Ce soir nous logeons chez Dawa. Il est 17h40, ouf ! Sacrée journée.

Dernier problème à résoudre : toutes les chambres sont en haut, accessibles uniquement par un escalier très raide, genre échelle. Et les toilettes sont à l’extérieur. Où alors, c’est chez Tashi, 50 mètres plus bas, mais avec une configuration identique. Je monte voir. A l’étage c’est encore en construction, les cloisons des chambres ne sont pas toutes terminées, ici un cadre de porte trône au milieu de l’étage. En discutant avec Bishal, un peu fatigué, je m’appuie négligemment contre la cloison… et passe à travers ! La planche tenait juste avec deux pointes mal clouées !

Comme il y a de la place au rez de chaussée, la solution c’est de déplacer des matelas pour loger un maximum de monde en bas. Aussitôt dit, aussitôt fait.

Avec Vincent P. nous partons poser nos affaires chez Tashi. La maison est plus ancienne mais c’est propre et plutôt plus sympa. Devant la maison, le fils de Tashi (3 ans ?) joue avec une casquette B2V. On m’invite à la cuisine. Assis en tailleur près du feu, devant un « black tea » brûlant, on s’observe en silence. Il y a là : la mère de Tashi, sa sœur et sa femme. Le petit chat se chauffe au coin du feu et évolue si près des flammes qu’il doit parfois se roussir les moustaches.

Bishal arrive pour dire que le repas est prêt chez Dawa. Juste le temps d’avaler mon thé bouillant et de dire au revoir. Bishal s’est fait servir une grande louche d’un truc tiède et transparent. A mon avis, ce n’était pas de l’eau !

Après le repas, pour fêter cette étape mémorable, on demande à goûter le Tchang (« bière » amère de riz fermenté) et le Rakshi (le même mais distillé). Pas facile de faire la fête, tout le monde est trop crevé, et les porteurs sont rentrés chez eux. Mais avec la lumière des néons, il est quand même 21h30 quand je descends me coucher chez Tashi.

Dimanche 29 mai : Khangjim – Syabru Besi

Ce matin grasse matinée et « repos » jusqu’à midi. La descente vers Syabru Besi est courte, ce sera pour l’après-midi.

Levé à 6h, les montagnes en face sont déjà en partie dans les nuages, tant pis pour la vue sur le Paldor. Par contre les spectaculaires lacets de la route, juste en face sont clairement visibles. Au fond de la vallée une autre route est en construction : la frontière chinoise n’est qu’à 17 km en amont de Syabru Besi en suivant le lit de la rivière. Pour le moment la frontière est fermée, mais la route est prête côté tibétain et les chinois construisent activement la route côté népalais. La « Pasang Lhamu Road » devrait bientôt se prolonger jusqu’en Chine.

Petit déjeuner à 9h, et on déjeunera à midi sur place avant d’attaquer la descente. Jacky qui s’est levé tôt, est allé reconnaître le début de la descente et nous annonce qu’on ne manquera pas d’escaliers !

Pour occuper la matinée : visite de la gompa. Pas si simple : 50 mètres de descente, un escalier bien raide pour ensuite remonter un escalier de 20 mètres hyper raide. Athlétique comme visite. Tout ça sous l’œil intrigué des villageois.

La gompa est toute neuve. Tashi m’explique qu’elle a été reconstruite il y a cinq ans. L’ancienne bâtie en terre et en pierres s’écroulait. Les villageois se sont cotisés ou ont offert des journées de travail pour monter les matériaux depuis la route (900 mètres plus bas). A l’extérieur, les moulins à prière sont encore recouverts d’une feuille de plastique.

A l’intérieur les fresques aux couleurs chatoyantes sont flambant neuves, trop nettes pour faire « typique » mais du plus bel effet. Elles ont été peintes à Katmandou, sur une toile qui a été ensuite collée sur le mur. Dans un coin il y a un dessin d’un monastère avec deux moines. Dawa nous explique que cela représente le second d’un grand monastère de Katmandou qui est originaire du village et a donné beaucoup d’argent pour la reconstruction.

Retour au « Potala Guest House » pour le repas (avec « Chocolate Roll » en dessert) avant d’attaquer la dernière étape du trek.

Départ dans le village : raide avec des escaliers. Suite : raide avec des escaliers. Et dire que l’équipe de Joël est montée par là !

Mais ça descend efficace, on plaisante et l’atmosphère est plutôt détendue : ça sent la fin du trek ; d’ailleurs on voit les maisons de Syabru Besi juste en dessous de nous. On traverse à nouveau la forêt de pins : méga raide, voire même glissant à cause des aiguilles de pin.

Une dernière pause pour profiter du cadre ; dans une heure nous seront en bas. Stéphane brade les derniers fruits secs.

La descente se termine au village de Wangel. Champs de « ganja » à profusion. Ici le cannabis pousse tout seul, on marche dessus. Du sommet d’un arbre, un singe blanc nous regarde passer. Dans le village il y a un dernier escalier à descendre (on dirait plutôt un mur légèrement incliné) puis un joli sentier en balcon nous ramène vers Syabru.

Une dernière descente raide, et nous voici au pont. La boucle est bouclée.

Il ne reste plus qu’à remonter sur l’autre rive, puis à rejoindre Bouddha Lodge. Au bord de la route, une troupe d’écoliers s’invite sur notre photo de groupe.

Une fois sur la route, les deux jeunes qui accompagnent la joëltte de Jean-Lou veulent essayer de la manier tous seuls Ca tangue ferme dans l’ultime remontée, même avec Dawa à l’arrière.

En fait toute la troupe de jeunes, est originaire du village de Langtang. Normalement ils sont à l’école à Katmandou, mais en ce moment ce sont les vacances (pour encore 2 semaines). Ils trouvent le trek vraiment cool !

Arrivés à Bouddha Lodge, tournée générale pour toute l’équipe, bière et coca coulent à flot !

Demain les porteurs rentrent chez eux : une heure et demie (népali time) de rude grimpette pour ceux qui habitent Khangjim, une journée pour ceux de Langtang.

Ce soir, douche pour tout le monde, et ce n’est pas du luxe.

Le dîner se termine par un énorme gâteau au chocolat « Vive HCE – Farewell Nepal » préparé par les cuisiniers. Les talents linguistiques d’Ang Babu ont été mis à contribution pour trouver le titre.

Demain départ 6h. Notre bus est déjà là, il nous attend dans la rue.

Lundi 30 mai : Syabru Besi – Nagarkot

Lever 5h, pas trop dormi, on s’est couchés un peu tard et les chiens ont aboyé une bonne partie de la nuit. Le petit déjeuner est vite expédié, et c’est parti pour un transfert d’anthologie.

Première surprise, je monte en premier dans le bus pour poser mon sac, et il y a déjà trois népalais assis à l’arrière : un couple de petits vieux et une jeune fille. Bon. Le chauffeur doit arrondir ses fins de mois, classique. On embarque en bon ordre, et c’est parti.

La route se déroule sans problème jusqu’à Dunche, mais au deuxième contrôle de la police (des militaires en fait), le troufion monte sur le toit inspecter les bagages et redescend avec deux sacs en toile nylon blanche : les bagages des deux petits vieux. On ne voit pas trop ce que c’est, mais il y a un curieux mélange : racines, champignons secs, yarsagumba ? Et même ce qui semble être des morceaux de résine de cannabis. En tous cas, ça ne passe pas ! Les deux petits vieux restent au poste avec leur étrange cargaison.

On repart pour quelques kilomètres, et là, stop ! Devant nous les bus et les camions sont arrêtés. En fait la route est coupée par un glissement de terrain. Impossible de passer.

Il y a déjà quatre véhicules arrêtés devant nous. Temba va aux nouvelles « (Bull)dozer is coming ». On attend, une heure, deux heures… la pluie reprend, un grondement : le tonnerre ? Non, l’éboulement se poursuit. Jacky sort son jeu de tarot… les heures passent.

Finalement le soleil revient. On pointe le nez dehors. La vue plonge en dessous de nous, jusqu’à rivière 1500 mètres plus bas. Des passagers d’autres bus traversent (en se hâtant) l’éboulement pour reprendre un bus de l’autre côté. Que faire, décharger, passer à pied (avec les joëlettes), c’est assez craignos (il tombe sans arrêt des cailloux plus ou moins gros). Vers midi je discute avec Temba, doit-on faire demi-tour quitte à dormir à Dunche et revenir demain ? Il vaut mieux attendre sur place, car demain matin l’éboulement peut se produire à nouveau, c’est fréquent à cet endroit. D’ailleurs le chauffeur du bus a disparu. Alors on attend.

Vers 13h, il commence à faire faim. Avec Stéphane on décide de prendre nos sacs à dos et d’aller chercher des trucs à grignoter au village en franchissant l’éboulement. Mais comme par magie, le cuisinier surgit (en fait avec toute l’équipe de cuisine, il était dans le bus arrêté juste devant le notre) monte sur le toit de son bus et ramène des paquets de biscuits et un fromage. Qui a un couteau ?

L’attente se poursuit, le soleil tape et il fait chaud. C’est bon signe, ça fait sécher le terrain. IL est 15h quand une rumeur se répand le long de la route « dozer is coming ». C’est vrai un camion apporte une pelle mécanique. Une fois la pelle déchargée, tout le monde la suit en procession pour la voir dégager la route. Le conducteur doit avoir à peine 18 ans, il est accueilli par des hourras quand il passe devant notre bus.

En deux temps trois mouvements les gros rochers sont poussés dans le vide et la terre rapidement tassée : la route est rétablie. Nous avons attendu 6h sur place ! La voie est dégagée, mais il faut patienter encore 10 minutes, le temps de laisser passer tous les véhicules qui montent.

Le chauffeur revient et c’est reparti. Pas pour longtemps. Deux kilomètres plus loin la route (qui n’est pas goudronnée à cet endroit) présente une raide remontée avec de profondes ornières. Le bus qui nous précède s’y reprend à deux fois pour franchir le passage. Notre chauffeur s’arrête à bonne distance de la pente et fait signe à tout le monde de descendre. Il veut alléger le bus au maximum et prendre de l’élan pour franchir l’obstacle.

Première tentative, ca patine arrivé à peine à mi-pente. Raté. Tous freins serrés, le bus repart en luge en marche arrière ! Il faut dire que les pneus ne sont plus de première jeunesse. Alors forcément, ça glisse.

Deuxième tentative : pas mieux, mais cette fois l’aide chauffeur glisse des pierres derrière les roues pour empêcher le bus de repartir en arrière. On met des petits cailloux au fond des ornières devant les roues, et tout le monde pousse. Un mètre de gagné, puis deux, puis ça coince. Damned ! Les ornières sont trop profondes, le bus est posé sur le pont arrière. Changement de tactique. Tout le monde devant, on le pousse en arrière pour le dégager. Mais rien n’y fait, le roues patinent avec une vieille odeur de caoutchouc brûlé. Bloqués !

L’aide chauffeur s’empare du cric et disparait sous le bus pour le soulever. Il est à quatre pattes dans la boue, à placer un cric sous un bus qui risque de glisser en arrière quand il sera dégagé. Pas cool !

Après plusieurs tentatives infructueuses, le bus finit par être dégagé. On remblaie au maximum les ornières avec des pierres plates, on se remet derrière et sur les côtés, et on pousse tous ensemble. Après quelques oscillations inquiétantes, ça passe. Il est temps de remonter en voiture, on est juste crépis de boue des pieds à la tête.

Derrière nous, le camion benne qui nous suit s’élance, patine, et se plante au même endroit ! A chacun son tour !

Le reste de la route défile sans encombre, à 17h arrêt au premier village important rencontré. C’est l’heure du repas (on rattrape celui de midi et on fait le repas du soir en une seule fois). Au menu : Dhal Baht « local », c’est-à-dire qui arrache. Vite du riz !

Le soir tombe, on repart, la vue est superbe avec ce ciel nuageux et le vert tendre des rizières. Il fait de plus en plus chaud, la fatigue se fait sentir, dans le bus on somnole. Nico, Solène, Yann et Morgane, montés sur le toit, hurlent des « Namasté » à tous les népalais que l’on croise.

Cette fois il fait complètement nuit, nous avons rejoint la route Pokhara – Katmandou, la circulation est intense (camions, bus, mini-bus) et ça coince dans la montée vers le col : accident, panne ? On reste arrêtés un bon quart d’heure.

Le col est passé, on descend sur Kamtandou, « Ring road » est vide à cette heure-ci (il est 22h). Quand soudain : pffff ! Crevaison ! Pas de doute, on entend distinctement un sifflement s’échapper la roue avant gauche. Arrêt forcé. Un quart d’heure pour changer une roue à la lueur des lampadaires, pas si mal !

La route est maintenant plus étroite, nous ne sommes plus sur « Ring Road » mais sur la route de Nagarkot. Ca monte, ça tourne, on approche.

Arrivés dans Nagarkot, il faut encore trouver le chemin de l’hôtel. Bishal est appelé à l’avant pour guider le chauffeur. A un embranchement, Stéphane dit « à gauche », la route se rétrécit encore. Soudain à 50 mètres des lumières : « C’est là ».

Seul petit problème : dans le dernier virage il manque un gros morceau de macadam. Le bus s’engage, la roue avant plonge dans le trou et le bus manque de renverser ! Changement de tactique : tout le monde descend (enfin ceux qui peuvent).

Il est minuit, nous sommes en route depuis dix-huit heures d’affilée, et je ne m’imagine pas faire navettes sur 50 mètres pour porter toutes les affaires (ainsi que Jean-Lou) jusqu’à l’hôtel. Mais le bus allégé arrive à contourner l’obstacle et se gare devant la porte du « New Dragon ». Ouf !

Les bagages sont déchargés en vitesse, les joëlettes alignées devant l’entrée, et on se répartit un peu en vrac dans les chambres. Ce soir, pas besoin de nous bercer !

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Texte : Denis Flaven et Isabelle Grandclément

Photos : Jean-Lou Ouvrard, Vincent Harre et Denis Flaven