Pyrénées ariégeoises du 18 au 25 août 2024

2 décembre Reportages

Il était une fois, dans une contrée fort fort lointaine, une montagne légendaire entourée de mystères, tantôt appelée Mont Fourcat, tantôt Mont Fourcade. Beaucoup prétendaient l’avoir déjà vue, plusieurs affirmaient même être allés au sommet, mais personne n’avais jamais ramené de preuve de son existence…
Un beau jour d’août 2024, une téméraire équipe décida d’en avoir le cœur net.
N’écoutant que leur courage, vingt-cinq aventuriers partirent au fin fond de l’Ariège, prêts à tout (et même à faire une overdose de gâteaux secs) pour percer le mystère de ce sommet de 2004 mètres. Venus d’Auvergne, de Nantes, de Grenoble, de Paris et même de Creuse, la troupe se retrouva le dimanche à Freychenet, paisible village perché à 800 mètres d’altitude, où habitent Annick et Jeff, deux charmants autochtones. Malgré des heures de voiture dans les pattes, Gilles redescendit à Foix chercher les retardataires. Il a la foi, ce Gilles… Après une heure d’une efficacité redoutable pour monter le marabout, les tentes, les bancs, la grande table de pique-nique (et sa magnifique toile cirée fleurie), l’apéro fut déclaré ouvert à 18h05. Les premiers liens d’amitié se nouèrent autour d’eau gazeuse maison (eh oui, Pauline amène sa machine en bivouac) et d’une surprenante bière à l’hibiscus. Qui veut une prune ? Ah zut, ce sont de vraies prunes… mais du verger de Stéphane, attention. Stéphane, justement, l’un des deux accompagnateurs en montagne, fixa la barre très haut dès le début : « C’est la quatrième édition de ce séjour en Ariège. Nous devons absolument monter au mont Fourcat… car on n’a jamais réussi jusqu’à présent. » En cause ? Des conditions météo soi-disant désastreuses. Pas de quoi impressionner l’auditoire. La nuit tomba d’un coup, mais l’assemblée grelottante fut réchauffée par l’arrivée du gâteau d’anniversaire de Noé. Quatre bougies, quatre ans ? Mais non, 3+1, trente-et-un ! Trop de vent, il se chargea d’éteindre les flammes, on espère qu’elle a pu faire un vœu… ah oui, continuer à fêter son anniversaire avec HCE, une belle habitude. La troupe s’empiffra de gâteaux aux pêches et au chocolat mitonnés par Yannick avant de filer rejoindre Morphée sous le duvet.

La première nuit fut venteuse (et ronfleuse). Au réveil, les yeux bouffis, est-ce un mirage ? Un miracle ? Mais non, le pot semblait bien réel : une authentique pâte à tartiner maison mitonnée par Thomas trônait sur la table. Pour la recette, on se souviendra seulement des 270 grammes de noisettes… Autre délice : le citron-beurre de Tam. C’est le ventre bien rempli que les aventuriers entamèrent leur périple vers l’inconnu et au-delà. 

Pour se dégourdir les pattes et prendre en main les joëlettes, petite rando tranquille, très vite pimentée par les faux obstacles rajoutés par Stéphane : qui arrivera à passer entre les branches sans faire buter la roue ? Dès la première montée encordée, la joëlette de Martine fut stoppée nette dans sa course effrénée par une attaque de Yannick qui décrocha son brancard. Bénédicte reprit la tête. A la pause déjeuner, les yeux s’émerveillèrent devant une salade de lentilles, boulgour, concombres, tomates et pickles d’oignons. Pauline, la recette, Pauline, la recette ! Pas question de roupiller sans le fameux tour de table pour se présenter. Tout le monde se battit pour passer en premier car il fallait répéter tous les prénoms : Stéphane, Marie-Jeanne, Anne-Marie, Guy, Anne, Régine, Edouard, Gilles, Tam, Béatrice, Océane, Béatrice, Paul, Florent, Thomas, Martine, Audrey, Gilles, Pauline, Rémi, Bénédicte, Noé, Yannick, Emilien et la petite Pauline, quatre ans. La joyeuse bande reprit la route, et Martine décida d’attaquer une montée truffée de pierres avec ses jambes tricoteuses. Un bel effort qui valait bien de vider toute sa gourde. Après une petite ascension en forêt, l’horizon s’ouvrit d’un coup sur une crête.

Accueillis par des vautours fauves, ce fut l’occasion de découvrir pour la première fois le mont Fourcat qui sembla nous narguer au loin, ainsi que notre premier château cathare (ou plutôt, ce qu’il en reste). « Oh hisse, la saucisse ! » : la petite Pauline mena fièrement une joëlette de filles, et expliqua avec le plus grand sérieux du monde : « Il faut vite repartir sinon ma force retombe. » Arrivés au village de Roquefixade, plusieurs téméraires ôtèrent leurs chaussures pour plonger les pieds dans la fontaine, sans craindre les dangereux piranhas qui s’y trouvaient. Retour au campement à Freychenet pour préparer le tajine : attention, des cubes d’un centimètre s’il vous plait. Gilles et Gilles coupèrent en rythme. L’équipe s’apprêtait à passer à table quand Gilles décida de faire un petit tour dans le fossé. Comment son fauteuil a-t-il pu basculer ? Une enquête est ouverte… mais pas de quoi perturber notre solide gaillard, surtout que Béatrice sortit le vin rouge de son papa et qu’il fut très apprécié ! Quand le pudding de Marie-Jeanne arriva au dessert, plus personne n’avait faim, mais personne ne dit non. Briefing du soir : préparez bien vos sacs et ne vous trompez pas d’endroit pour les mettre, on part pour deux jours de bivouac… Huit courageux se lancèrent dans la vaisselle : « C’est fou, ça veut dire qu’un tiers des personnes participent ! » « Oui, alors que 100% mangent, cherchez l’erreur… » Question de point de vue !

Mardi, réveil à 7h sous la rosée mais avec un magnifique soleil levant rougeoyant. Adieu confiture de rhubarbe, nous t’avons tant aimée… Les randonneurs de l’extrême plièrent les tentes mouillées et finirent leurs sacs pour le bivouac. « Comment tu fais pour avoir un sac aussi petit ? » Réponse : « Oh tu sais, j’ai juste pris un slip et une brosse à dent… »

Place au réveil musculaire en cercle le temps que la tente toilettes sèche (est-ce vraiment de la rosée ?) Chacun initia un mouvement, répété par tous les autres. Etirer la nuque, tourner la tête… attention à ne pas froisser les derniers neurones qu’il nous reste ! Pour finir, une chenille afin de faire une chaîne de massage, hum que c’est bon. Enfin le départ ? Toujours pas : on regonfla le pneu de Bénédicte, on rajouta une goupille pour installer le pédalier de Tam et on tenta vainement de réparer la chaussure d’Océane avec du scotch. Bref à 9h40, la troupe s’ébroua lentement. Ca monte ! Ouf, ça descend… ah non, faux espoir, c’était un mirage. T’as mangé une girolle ou quoi ? Oui, elle était rouge à pois blanc. 11h20, déjà la pause : pas de graines, c’est la crise. Pique-nique précoce à l’ombre : salade de pommes de terre de luxe avec cornichons et multiples « toppings » : citrons confits, persil et graines, sans oublier la vinaigrette miraculeuse d’Anne-Marie. Anchois ou maquereaux ? Les deux ! Ah non coco il faut choisir… Comment ça, il y a des restes ? Jamais dans l’histoire d’HCE il n’y a eu de reste de salades de patates, finissez-moi ça fissa. Thé ou café ? Thé. Oups c’est du café. Là aussi. Là, si tu veux, il y a du café-thé, tu m’en diras des nouvelles. L’après-midi, la troupe fut rejointe par trois nains qui partaient à la mine, normal, c’est des nains.

Tam mit du cœur à l’ouvrage en activant le pédalier à bras dans les côtes. Autre stratégie appréciée par Régine : installer Jeff dans la corde, « ça fait pousser des ailes ! » On respire, on souffle par le nez et on admire les arbres. « Le charme d’Adam c’est d’être à poil » : les feuilles que l’on croise sont poilues, ce sont donc des hêtres et non des charmes. Ils laissèrent bientôt la place aux gros chardons et aux myrtilliers, avec un panorama à 360° incroyable… et quelques bouses de vache, n’est-ce pas Edouard ? Freychenet apparut, minuscule, au loin, et cela redonna du courage à la troupe qui suait à grosses gouttes. La pente était tellement raide qu’il fallut tirer les joëlettes deux par deux. Bénédicte fut déclarée héroïne du jour, en descendant de son trône pour monter seule la côte. Une foule en délire l’accueillit au sommet, où de magnifiques chevaux noirs broutaient en liberté. Ce fut une belle récompense de dame nature…

Martine quant à elle partit explorer à pied une cabane construite par des bénévoles du coin. A 17h09, l’équipe célébra l’arrivée au refuge à 1450 mètres d’altitude. Jacques, le berger, nous accueillit chez lui et pour le remercier, on cassa ses toilettes… Le tipi installé, le tarp tendu, on se serra pour trinquer : « c’est à l’intérieur qu’on crie, qu’on crie, c’est à l’intérieur, qu’on crie le plus fort ! » On célébra aussi l’anniversaire d’Anne avec un succulent cake au gingembre, tandis qu’Océane monta en grade et acquis le titre de vice-présidente du séjour, grâce à sa prestation parfaite quand il fallut répéter le briefing du chef.

Les mines étaient graves mercredi autour du café matinal : l’heure avait enfin sonné. Le mont Fourcat nous attendait. La troupe allait-elle réussir son défi, accomplir la prouesse rêvée et fantasmée depuis tant d’années par les accompagnateurs frustrés ? Paulo, philosophe aux pieds couverts d’ampoules, prévint l’assemblée par une phrase à méditer : « Les Pyrénées, c’est pas haut, mais ça monte. » Hauts les cœurs, messieurs dames ! Les joëlettes commencèrent leur lente ascension dans une ambiance féérique, presque irréelle.

Une épaisse brume masquait la progression. Quand la troupe dépassa enfin la mer de nuages, il n’y eut plus un bruit, juste une grande inspiration pour garder en eux la magie du moment.

Le midi, un deuxième refuge et un soleil réconfortant accueillirent le pique-nique et la sieste collective, seulement perturbée par une brebis affolée. Le sommet paraissait à la fois si loin, et si proche...

Il fallut encore dépenser quelques litres de sueur pour gravir les derniers mètres, mais le moment tant attendu arriva, et la troupe laissa enfin éclater fierté et joie : ça y est, le mont Fourcat était bien là, sous leurs pieds… Un petit pas pour eux, un grand pas pour HCE qui n’avait jamais hissé les joëlettes à 2004 mètres d’altitude en Ariège.

La légende étant désormais écrite, l’histoire aurait pu s’arrêter là… sauf qu’il fallait redescendre. Une belle piste « tape-cul » comme dirait Gilles, avec des surprises à foison : grosses marches, petits sillons étroits, cailloux qui roulent sous les chaussures.

Genoux et mollets souffrirent, mais tout le monde trouva du réconfort pour cette deuxième nuit chez Jacques autour d’une incroyable salade colorée de crudités et d’un dahl de lentilles. Ce fut le plus beau jour de la vie d’Emilien : pas pour le mont Fourcat, mais parce qu’il gagna enfin une partie de Picomino ! Entre deux lancers de dés, les joueurs s’interrompirent pour filer dehors admirer le lever de lune : tous restèrent bouche bée devant sa couleur orangée et son visage scintillant. De quoi s’endormir heureux et apaisé…

Jeudi, c’est le cœur un peu lourd que la troupe dit au revoir à Jacques et à son refuge. Après avoir rangé, nettoyé, l’équipe faillit foncer tout droit vers le danger. On s’aperçut qu’il n’y avait plus de frein sur la joëlette de Tam : le câble était sectionné ! Le kit de remplacement fut utilisé à bon escient, puis on constata également des dégâts sur la joëlette de Gilles : un rayon était cassé. Pas moyen de réparer : Martine le poids plume prit sa place et l’affaire était réglée. Il parait qu’elle a l’habitude de prendre les joëlettes abîmées… Le programme de la journée se résuma à un grand V : 750 mètres de descente, 600 mètres de montée. Un parcours « assez roulant, assez costaud, assez long, assez feuillu, assez chaud » selon Stéphane, le spécialiste des descriptions énigmatiques.

L’après-midi, la troupe se scinda en deux pour permettre aux intendantes de faire le plein et à plusieurs passagers de se reposer. Pour les autres, ce fut le gros craquage : non seulement les nains revinrent à l’assaut, mais des « contacts » tentèrent de se faire autour de blettes et brocolis, tandis qu’on apprit que « caca, ça touche pas et pipi, ça touche ». Tous ces jeux épuisèrent nos courageux aventuriers qui arrivèrent rincés sur le lieu de bivouac en forêt. Tant pis, le lac attendra demain, ils se laissèrent bercer par le doux tintement des cloches des vaches, l’estomac rempli de saucisses grillées et de crème Mont-Blanc. Une bouteille de vin bouchonné circula, mais bienheureux furent ceux qui s’en rendirent compte…

Cette nuit réparatrice fut de courte durée, non pas à cause de la chouette qui se mit à causer dès l’aube, mais en raison du réveil programmé aux aurores. Objectif : plier le camp et attaquer la montée en joëlette dès 7h.

Après quinze minutes, la troupe déboula sur un lac et put déballer le petit déjeuner les yeux émerveillés. Pour une poignée de téméraires, l’appel de l’eau fut plus fort que celui du pain beurré : ils enfilèrent leur maillot et se précipitèrent pour nager. Impossible pour Martine de manquer ça ! Un sourire jusqu’aux oreilles, elle se sentit « heureuse comme un poisson dans l’eau ». Après un tel début de journée, que demande le peuple ? Une magnifique rando dans les pâturages ! Ca tombe bien, c’était au programme de ce vendredi matin.

Béné et Tam s’offrent de longues marches ensoleillées, sous le regard curieux des vaches et de leurs petits veaux. Les difficultés arrivèrent juste avant le déjeuner, lors d’une descente truffée de mottes d’herbe qui fit faire des bonds à tous les passagers.

Alors que l’équipe profitait tranquillement d’une bonne sieste à l’ombre, un épisode fâcheux permit à Océane d’acquérir le glorieux surnom de « Bouseuse ». On vous laisse deviner… L’après-midi, le monde se divisa en deux catégories : ceux qui ont le pied montagnard, et les autres. Pour les différencier, Stéphane livra son plus grand secret : regarder les chaussures. Si elles sont couvertes de boue, vous avez affaire à un piètre amateur. La troupe découvrit aussi toute une variété de glissades, sur sol humide ou sec, avec des descentes presque « dansantes » sur un gros tapis de feuilles mortes. Et le moment fatidique arriva : « On a béné Béné ! » Heureusement, plus de peur que de mal pour la courageuse passagère. Pour le goûter, « coco-pavot » ou choco ? Va pour le « coco-pavot », mais avec une voix de perroquet. Une fois arrivés au camping, les aventuriers purent enfin prendre leur première douche de la semaine… à condition de ne pas dépasser les sept minutes réglementaires du jeton. Rémi fut ravi : il passa sa soirée à recoudre patiemment son unique pantalon, déchiré dans l’action, grâce aux conseils avisés d’Anne.

Le temps filait à toute allure pour notre bande surmotivée. C’était déjà la dernière journée. Quoi de mieux qu’une bonne louche de ratatouille froide pour attaquer la matinée ? Mieux valait prendre un solide petit déjeuner car la troupe n’était pas au bout de ses peines. Dès le matin, les muscles encore tout endormis, elle dut se farcir 1,2 km de montée bien raide, ponctuée de grosses marches, la dernière ascension en forêt. Arrivés au sommet, une petite nostalgie flottait dans l’air, à moins que ça ne soit le doux parfum des aisselles trempées… La suite de la randonnée fut plutôt roulante et ombragée. Des arbres couverts de mousse accueillirent le déjeuner, dans une ambiance de conte de fée. Le charme fut rompu dès les premières minutes de descente, quand les princes et princesses se retrouvèrent les pieds couverts de boue.

L’excursion ne pouvait pas terminer comme ça, il fallait l’arroser ! Justement, un lavoir se trouvait sur la route : il parait qu’Audrey avait bien envie de s’y baigner toute habillée… la troupe en tout cas ne lui demanda pas son avis, mais c’était de bonne guerre après la féroce bataille d’eau qu’elle avait initié ! Visiblement, l’équipe estima qu’elle n’était pas assez trempée : Handi Cap Evasion se transforma alors en Handi Cap Invasion et débarqua au bord d’une rivière paisible où se baignaient tranquillement quelques touristes. Vingt personnes dans l’eau, forcément, ça remue… et ça rigole ! Tout le monde put constater que même en maillot de bain, Yannick a toujours les fesses sales. Pour parfaire la détente musculaire, la fine équipe se plia à son exercice favori : le cercle de yoga et d’étirements. Le clou du spectacle fut bien sûr assuré par Béatrice qui mima à grand renfort de grimaces : « Fâché fâché fâché… Content content content ! » Quelques heures plus tard, ils ne remercièrent pas le ciel en revanche, qui leur tomba d’un coup sur la tête.

L’orage gronda et des trombes d’eau s’abattirent sur le barnum : « Bienvenue en Ariège ! », s’exclama Paulo. Le sang de Noé ne fit qu’un tour, tandis que l’âme du scout s’anima chez Florent : aidés par quelques compères, ils sauvèrent l’assemblée d’une noyade certaine en creusant des tranchées tout autour de la grande tablée. C’est ainsi que se termina ce séjour : entre boue et fous rires. Les Sages avaient finalement raison quand ils alertaient sur le climat capricieux de l’Ariège…

Mais cette année-là, les planètes et les joëlettes étaient alignées pour permettre à la folle équipée de rentrer avec le sentiment du devoir accompli : le Fourcat était gravi, et la joyeuse équipe, ravie. Avant de repartir, n’oubliez pas, comme dirait l’autre : « Il fait toujours beau au-dessus des nuages… » Le mot de la fin ? Pour Pauline évidement : « Merci la vie ! »