La joëlette tyrolienne

A Lyon, c’est la fête des lumières et pour nous tous à Randol, ce sera notre fête, une sorte d’apothéose de la saison concoctée secrètement par Jean-Luc avant de s’envoler pour la Nouvelle-Zélande.

Au départ, au pied de l’abbaye, nous nous comptons : il y aura plus de monde qu’il n’en faut pour pousser ou tirer les joëlettes. A croire qu’intuitivement, chacun veut en être… Le début de la balade est tranquille mais inhabituel : on commence par descendre ! En effet, on s’éloigne du silence monacal pour plonger rapidement vers la Monne qui gronde plus que de coutume.

Jusque là, tout va bien. Le chemin, le long de la rivière est bien un peu boueux. Le redoux (il fait 17° aujourd’hui, loin des -9° de la semaine dernière) a fait fondre neige et glace et la Monne que l’on longe est bien grosse, bien haute et bien bruyante. Que nous réserve-t-elle ? Ça se rétrécit en remontant les gorges. Un arbre à franchir,

une sente de plus en plus chaotique, un étroit passage surplombant les flots … Serait-ce là le menu surprise de Jean-Luc ? La troupe s’étire en file indienne, regarde où mettre les pieds. Les voix sont couvertes par le vacarme de l’eau qui impose sa présence.

Ça stoppe devant. Que se passe-t-il ? Nous découvrons, ébahis, que nous sommes attendus, là, au milieu de nulle part, par les copains pompiers de Jean-Luc. Ils ont installé entre deux arbres de part et d’autre de la rivière une tyrolienne à environ 5 mètres au-dessus du bouillonnement des eaux tumultueuses. Et, sereins, ils sont prêts à sécuriser la traversée pour tout le groupe, joëlettes y compris.

Grand moment pour les ados ravis et bien moins anxieux que la plupart des accompagnants qui ne pensaient pas avoir à vivre encore « une première fois ».

D’aucuns s’essaient à traverser par d’autres moyens en utilisant un amas de troncs bloqués entre les deux rives. Pour certains, ils y gagnent un bain de pieds et devront se résigner à abandonner leurs craintes au profit d’une confiance dans cette corde tendue. Les jeunes, eux, sont aux anges.

Sans trop d’appréhension ils s’élancent le bras levé, le sourire aux lèvres, sous les flashes des photographes. La joëlette harnachée et suspendue glisse horizontalement sans difficulté de l’autre côté où la troupe se reforme peu à peu.

On n’a, malheureusement, le droit qu’à un seul passage car le temps presse, la nuit arrive rapidement à cette période

et il faudra bien une heure et demi pour assurer le transfert des 4 joëlettes, des jeunes marcheurs et des adultes.
Quelle aventure ! Mais ce n’est pas fini ! Pour s’extirper de ces gorges, il faut, à présent, s’arracher et grimper à flanc de rocher humide

pour remonter les joëlettes sur un chemin praticable qui nous conduit, au crépuscule, à Randol. Là, une autre surprise pour clôturer joyeusement cette superbe balade. Une salle est ouverte dans l’une des maisons du hameau,

un feu crépite dans la cheminée et un vieux moine, statue de bois,

contemple ce petit monde venu se réchauffer, partager le goûter et les boissons chaudes

en se remémorant ses émotions. On y prolongerait bien la soirée. Mais tout a une fin et l’on se quitte la tête pleine de quoi élaborer des rêves de Peter Pan ou de Mowgli et sur les lèvres un bouquet de merci pour Jean-Luc, ses copains et les moines qui nous ont accueillis en toute discrétion.

Texte de Jacques, Photos de Georges et Jacques