Balcons de la Meije - 17 au 24 août 2024

30 octobre Reportages

Voici votre tant inattendu et non moins rigoureux "Compte-rendu du séjour Balcon de la Meije - Août 2024" ou comme votre humble rédacteur préfère l’appeler "Le dégobillé d’la parenthèse sur la terrasse où qu’il a meigé y’a pas longtemps" ! / !\Attention ça glisse, vous êtes prévenus...
Je précise que toute exhaustivité, subjectivité outrancière et autre partialité patentée des faits relatés ci-dessous ne sauraient être retenus contre son irréprochable et savant auteur... Z’avez qu’à gueuler si z’êtes pas contents, j’ferai ptêt’ des amendments pour vos beaux yeux mes beautés !
Haha, moi, "vos beaux yeux"... Qu’est-c’qui faut pas entendre comme conneries !

Il était une fois un camping alpin où c’est qu’ça drachait comme y faut et qu’ça m’arrange même pour l’histoire qu’elle va bien crescendo.

Bref, ça pisse dru à Villar d’Arène. Sur ce, un certain Morty, pas encore rebaptisé, sombrait, virage après virage, en pleine émulsion digestive sur la banquette arrière du fougueux carrosse 3 portes (co)-piloté par les agréables Dame Béa & Dame Sylvie de St-Etienne ou pas loin.
Au terme de ce merveilleux manège retourne-bidou, nous arrivons donc au creux de cet idyllique lieu de villégiature vide et morne. Partagées entre le ravissement de couleurs chatoyantes des tenues locales, rares K-Way, parkas et autres cirés seyants, portés capuche sur le front comme au plus belles heures des télétubbies et la sensualité mouillée des larges allées de terre en cours de gadouillisation commençant tout doucement à faire plof-plof sous les pieds, pour notre plus grand bonheur.

Nous finissons par croiser le charmant Vincent Bocquet, que d’autres géniteurs, certes cruels mais prévoyants, auraient pu appeler Bill, pour nous régaler d’un délicieux jeu de mot éculé et par la suite, éviter par la même au pauvre Vincent Leroux, l’adoption du ridicule petit diminutif anglo-saxon "Vince’". Diminutifs anglo-saxons qui comme chacun sait, témoignent de l’indécent mauvais goût de leurs propriétaires.
Mortymer, dit Morty, écoutait donc attentivement le bon Vincent, son fidèle vélo en main, nous compter sa fraîche arrivée d’Italie tout sauf à bicyclette. Encore estomaqué d’une telle vaillance, nous sommes bien vite interrompus par Aurélien, un marabout, sans gènes et sans tabous, qui enjoignait tout le monde à monter sa grande tente si mes souvenirs sont bons... Comme quoi on était déjà mouillés et qu’on y serait plus au chaud dedans je crois.
Heureusement, son comparse Willy, un petit robot compacteur de déchets, nous distrait de l’emprise de son collègue chamane en nous dévoilant les objets bigarrés qu’il entrepose dans son camion d’Ali Baba. A l’instar d’une grande tente, il est question de monter le camp car plusieurs passagers exceptionnels sont attendus d’une minute à l’autre.
Juste le temps d’apercevoir de mystérieux engins roulant être dépliés depuis le camion au trésor que je me retrouve enrôlé en cuisine.

Yéplaaa !! Toutes mes excuses, je vous interrompts à l’aube d’un récit qui s’annonçait palpitant, la promesse de nombreuses pages à dévorer MAIS NON ! On commence déjà à me tirer les oreilles comme quoi "c’est un compte-rendu pas un roman" ; " si tu continues on y est encore demain" gna gna gna... Alors montez dans l’train, on part pour un voyage express, pour les meilleurs moments. Accrochez les tableaux et détachez les ceintures, c’est partiiiiiii !!!

Bonjour untel, moi c’est machin, j’te présente truc... juste le temps d’pas bien s’connaître que la fourmilière d’anonymes stoppe le branle-bas. Haut les mains, les jambes serrées, les coudes qui s’touchent, deux rangs d’oignons se font face de part et d’autre de l’interminable tablée lorsque la voix du marabout s’élève sous la tente pour ouvrir les hostilités. Mais premier coup dur d’entrée, pour le jeune équipage, un moussaillon manque déjà à l’appel. Et pas n’importe lequel, Alain, passager joëlette s’il en est et ingénieur chaudronnier de son état s’est trompé dans son calcul, pour lui la pilule a du mal à passer mais qu’il se rassure, la bleusaille ne l’oublie pas et l’attend de pied ferme pour la seconde partie du voyage.
Comme on dit un d’perdu... un d’perdu, Mais qu’à c’la n’tienne, l’auberge espagnole bat son plein, tissant les premiers liens dont l’extraordinaire formation va avoir besoin, épreuve après épreuve.

Après une nuit quelque peu exiguë, parterre de duvets sur son lit de matelas gonflables, on retrouve Morty, encore embrûmé d’un sommeil chassé par ses deux gardes du corps. J’ai nommé Delphine dite Donald, à sa gauche, touchante cantatrice, capable de gémissements oniriques dignes des plus beaux rêves de labradors et Julien à sa droite, alias l’Icare du ch’min retour (ou comment atterrir sur terre les ailes déjà brûlées), grand para-athlète spécialiste du drift sur matelas avec réception acrobatique sur son voisin de gauche.
Très ému de ces belles rencontres nocturnes, Morty, Morphée toujours en bandoulière, sollicite Adèle, une jeune cascadeuse en herbe, pour qu’elle lui prépare une généreuse tartine "caillette-crème de spéculoos". Et PATATRA !! Il est 8h et Morty vient de confondre le cracker, sorte de petite galette de graines et la "caillette", viande froide pas si éloignée qu’ça du pâté de tête. Insouciant, il ne voit pas la perplexité se dessiner sur le visage de sa camarade et savoure sa grossière erreur en mordant à pleine bouche dans l’appétissante tartine. La langue anesthésiée mais la tête haute, il décide de terminer son met d’exception en silence, l’honneur sauf.

Sur ces entre-faits, la petite colonie s’active pour son galop d’essai. Au programme, un aller-retour au lac du Pontet pour se dérouiller les jambes et dépuceler du novice en joëlette le temps que quelques nuages récalcitrants aillent voir ailleurs si on y est pas... Ça déroule sans encombres et pour cause, premier jour, une joëlette en moins sur d’la bonne piste carrossable, il manquerait plus qu’on tire déjà la langue. On s’offre même le luxe de partager quelques binouzes au bord du lac, achetées à la petite roulotte ouverte spécialement pour nous à l’heure du pique-nique.
Le ventre plein et les nuages en déroute, la troupe contourne le lac enfumé et redescend de son perchoir, à la rencontre d’un jeune âne fougueux gambadant joyeusement sur sa colline. Que Charlot se rassure toutefois, pas de quoi faire de l’ombre à nos grandes oreilles préférées.

Une fois rentrés au camping d’Arsine, nous accueillons une nouvelle recrue pour les jours d’itinérance à venir. Demoiselle Esther, fille de Dame Béa, vient regoûter à la Meije, nostalgique du parcours mémorable d’un séjour passé. Les retrouvailles faites, la légion examine ses forces en vue du grand départ et dans le remue-ménage, une professionnelle de la mécanique a fort à faire. Livia, précieuse kiné de métier, croule déjà sous les bobos à réparer après quelques heures de marche tandis que Sylvie reçoit ses premiers adeptes de soins énergétiques pour une apaisante apposition des mains.

Au départ du village du Chazelet le lendemain matin, accompagnants harnachés et joëlettes débéquillées, tout le monde est à son poste, le moral au beau fixe, sauf un. En voyant s’afficher le poids de ses bagages sur le peson, le vaillant Charlot déchante. La fin de saison approche et on ne peut pas dire que notre fidèle compagnon soit ménagé. La compagnie démarre donc et longe le torrent du Ga jusqu’à faire halte pour pique-niquer sur sa berge humide. Si ce n’était pas déjà fait, chacun prend peu à peu la mesure du binôme d’intendance auquel il a affaire. L’hydre à 2 têtes baptisé "Isamuel" est redoutable et n’aura cure tout au long de la semaine de doucher un à un le moindre espoir de perte de poids des ouailles sous sa coupe, et pour cause, Vince, ancien cuistot gastronomique, joue les commis d’cuisine dans les coulisses. Pour la bande de lézards qui digèrent, alanguis sous un soleil de plomb, la météo radieuse, le festin dégusté et la rando facile, on ne voit vraiment pas ce qui pourrait mal se passer.
Adèle, l’unique originale à ne pas buller sur la rive, décide d’aller visiter le refuge non loin et finit par revenir escortée par un balais d’hélicoptères, sorte de régal pour les oreilles en sortie de petit somme collectif. Ceci dit, une superstition locale voudrait que l’on ne croise jamais deux hélicoptères dans la même journée...
Bel et bien réveillée, elle en profite même pour accompagner la levée de camp qui s’amorce en entamant une lecture publique d’un article ironique du courrier international emprunté à Vincent, comparant les réactions de divers journaux étrangers au déroulement des jeux olympiques en France. Moitié amusé, moitié désabusé par ce que j’entends, je n’ai pas le temps de me perdre en divagations mentales bien longtemps que nous arrivons déjà aux Chalets de la Grand Buffe pour notre premier bivouac.

De l’Olympe à la Meije, il n’y a qu’un pas et quelques milliers de kilomètres alors, à peine débarqués, Aurélien dégaine ses légendaires jeux de plateau pour les premières épreuves de "Tactique et Yut Nori" par équipe. Dans son sillage, il est vite rejoint par Vincent, attentif arbitre de la session d’étirements collectifs, doublé de Charlot, scrupuleux assistant qui pour dresser les moins disciplinés, vient slalomer au p’tit trot au milieu des athlètes étendus. JB, méritante nouvelle recrue au brancard de joëlette débauche même notre arbitre de gym pour ouvrir le manège de course en joëlette à destination des accompagnants en mal de sensation. Heureusement, dans l’intervalle, Isamuel veille au grain et toute la délégation HCE finit par se retrouver autour d’un bon repas chaud.

La nuit tombe et le brouillard se lève mais avant l’extinction des feux et notre première nuit à la belle, Willy se lance. Inspiré par la canne jaune d’un certain handimarcheur bien connu, il s’enquiert du maniement du sceptre qui luit dans les ombres et s’engage à l’aveugle dans une ronde autour de la bâtisse qui accueille notre campement. Une fois l’entreprise couronnée de succès, rassasié, il passe le relais à Adèle, camarade zêlée, bien décidée à dompter l’improbable détecteur de métaux pour suivre à rebours l’itinéraire de son victorieux prédécesseur. Seul hic, elle n’a pas assisté à la démonstration préliminaire des rudiments d’emploi du curieux objet et s’éloigne rapidement, sans entendre la mise en garde de son propriétaire.
C’est à ce moment précis que Charlot se montre, bien parti pour faire main basse sur quelques pommes, trop mal cachées pour un pisteur de son espèce. La razzia rituelle de notre ami fait quelques émois et attire l’attention du groupe éparpillé quand un choc retentit derrière les exclamations ! Le tumulte se poursuit, mais mon oreille s’est figée sur ce bruit à la fois sourd et métallique qui ne s’est prolongé d’aucun cri. Une poignée de secondes s’écoulent, perplexe, et soudain l’affolement gagne les troupes et tous ceux en mesure d’accourir se déportent vers les gémissement de douleur qui montent à présent du côté de l’accident. Adèle, désorientée et les yeux toujours fermés, a chuté du haut d’une montée de grange, 2m50 au dessus d’une bouilloire en équilibre sur le feu d’un réchaud. Concentrée sur son objectif, elle s’est méprise sur la mise en garde de Paul et JB à son intention en les croyant aux aguets et a poursuivi son ascension jusqu’au point de non-retour. Désormais, le temps presse, Adèle est consciente mais le choc a été rude et plusieurs blessures sont à dénombrer. Chacun à son poste, les forces vives s’organisent pour se relayer aux soins de la blessée et alerter les secours. Plusieurs dizaines de minutes plus tard, après avoir avalé un tube de crème de fleurs de Bach à faire pénétrer par la peau, Adèle est transportée en brancard dans le 4X4 des pompiers, direction l’hôpital de Briançon pour une nuit mouvementée.

De bon matin, remis de ses émotions, l’équipage amputé de deux de ses matelots se prépare à gravir le sentier du Col des Trente Combes pour accéder au plateau d’Emparis par le nord. Dominé par le Pic du Mas de la Grave, le convoi se confronte dès l’entame à son premier passage engagé et dans l’adversité, un équipage se détache. La joëlette de Claudette, flanquée d’Aurélien aux manettes et Vincent aux brancards ouvre la marche, ou plutôt la course devrais-je dire pour ces trailers à roulettes qui tiendraient presque tête aux quelques VTTistes croisés à l’occasion. Les deux capitaines de la joëlette volante époumonent leurs lièvres encordés, qui se relaient aux avant-postes pour tenir la cadence jusqu’à une pause graine bien méritée sous un soleil au beau fixe.

Le plateau atteint et le rythme cardiaque radouci, on rejoint tranquillement le ruisseau du Rif Tort pour un nouveau pique-nique de gala et une baignade bienvenue au creux du bassin à débordement naturel, petit balcon, d’où s’écoulent en escaliers une enfilade de cascades entre les roches ouvertes sur la Meije. Morty, encore lui, profite de la platitude du plateau d’Emparis, le bien nommé donc... pour accepter les avances de son compère Julien, qui le supplie de faire chavirer son petit cœur (et le reste avec) en prenant les rênes de son embarcation. C’est ainsi qu’on rallie finalement notre second lieu de bivouac pour une nuit à plus de 2200 m d’altitude, que tout le monde espère moins mouvementée que la précédente. Justement, quand on parle du loup... Plus de peur que de mal pour Adèle, qui est déjà de retour pour nous jouer moins d’mauvais tours !
On change pas une équipe qui gagne alors c’est r-parti pour un tour : au menu, séance d’étirements, Vincent reprend du service et Julien chauffe l’ambiance, (chauffage peut être trop généreux quand on connaît la suite ;), animation "Jeux d’plateau servi sur un plateau" par l’insatiable Aurélien et cartographie laser du ciel étoilée avec Myriam et Esther. Adèle en prend pour son grade lorsqu’on arrive à la constellation de la théière, renommée "Adèle : Constellation de la bouilloire tordue" en l’honneur de l’ustensile maltraité au cours de ses exercices de voltige.
Le lampadaire lunaire brille, bien rond sur le firmament, ce soir là, "la belle étoile", c’est pour le meilleur, comme le pire... Il y a ceux bien équipés, pour qui c’est avant tout l’inoubliable souvenir d’une voûte céleste des grands soirs et les autres, pour qui c’est un mode de couchage tout aussi inoubliable. Ceux-ci ont eu quelques menues difficultés à apprécier le spectacle cosmique, au lieu de quoi, ils se sont caillé les miches comme rarement dans l’histoire du caillage de miches ! Je vous laisse deviner dans quel camp se trouvait donc votre serviteur ;) Parmi eux, un foutriquet a particulièrement souffert. Je vous l’donne en mille, l’inénarrable chauffeur de salle a bien cru lâcher les armes en même temps que les larmes tant la spasticité s’est faite douloureuse dans l’humidité et le froid. Alors à l’aurore le lendemain, lorsque le disque solaire a franchi l’horizon, c’est l’âme de tout un groupe qui reprend des couleurs.

C’est une nouvelle journée radieuse qui s’annonce pour clore la boucle itinérante qui va ramener la fameuse traînée à trois roues au village du Chazelet. Je dis trois mais la quatrième roue motrice ne tarde pas à faire son apparition avec Manu, jeune aspirant passager HCE et sa famille qui allongent le cortège de leur joëlette électrique au pied du col du Souchet. Une pause graine en chassant une autre, c’est au frère et à la belle-sœur de Delphine, la remarquable imitatrice de "Taz de Tasmanie" (célèbre diable de cartoon), de venir renforcer les rangs aux abords du Lac Noir, pour la plus grande joie de notre passagère gouailleuse.

Bordée par le lac du Lérié et débordée par les bouses de vaches, l’enthousiaste caravane HCE se restaure des grâces du room service 5 étoiles qui commence sérieusement à mal nous habituer. Un tel buffet de montagne, ça ne peut pas faire de mal me répondrez-vous ! Et vous auriez raison, "pierre qui roule descend plus vite", surtout vu l’interminable déclinaison qui s’annonce en cette belle après-midi. Les g’noux qui tapent et les yeux dans la Meije, le peloton s’étire encore et toujours entre les fous du volant, emmenés par Claudette, parfois plus proches du bobsleig sur cailloux que de la randonnée pédestre, à l’avant ; et les déambulateurs contemplatifs, bouche-bée devant le majestueux panorama alpin, à l’arrière.
Morty et Livia, tenue à la bride, se font même carrément distancer après une pause technique des plus urgentes pour ce dernier. Remis sur pieds, le duo accélère l’allure et finit par rattraper un autre binôme guideur/guidé. En effet, Charlot, en pleine cueillette de chardons, promène à la longe son grand ami Gérard, seul partenaire qui daigne lui laisser le loisir d’une savoureuse balade pastorale. Mais rien ne dure pour notre bourriquet épris de liberté. Quand Aurélien rétro-pédale jusqu’à la paire oisive, c’est pour sonner la fin d’la récré et v’là-t-y pas que Charlot, tête basse et queue tombante, nous propose son meilleur jeu d’jambes pour dévaler les pierriers les plus casse-gueule de la vallée comme s’il avait vu un fantôme.

De retour au camping d’Arcine plus rayonnant qu’à notre première rencontre, Paul, chérif autoproclamé des parties communes et son adjoint Vincent, tentent de faire régner le civisme au bastion des cabines de douches. Pendant ce temps, chez les femmes, la poissonnière Delphine éructe à qui veut l’entendre qu’une aide humaine plus masculine pour sa toilette serait la bienvenue, en particulier un certain duo d’AEM sus-mentionné. Au camp de base, la ruche reprend ses droits mais ce soir rien ne presse, le prochain décollage n’est prévu que le lendemain après-midi alors que chaque abeille se détende, cette escale prolongée est l’occasion de souffler un peu. Dans l’ensemble, personne ne se l’fait dire deux fois, sauf peut être un ou deux des éléments les plus perturbateurs. Tandis qu’Adèle se fait peur toute seule en jouant à l’escape game solo dans le camion HCE avant de dodo, Julien, sans conteste plus gaillard qu’à son vibrant détour au congélo d’Emparis, révise à présent ses numéros pour le cirque Pinder. Tantôt planchette chinoise sous Livia l’équilibriste ou éléphant gobeur de cacahuètes avec Pierre son adroit dresseur, la vipère de Mâcon a bel et bien retrouvé sa langue, au grand dam des amateurs de tranquillité.

Déjà le sixième jour et l’heure de dire au revoir à l’impromptue benjamine du clan Meije. Esther nous quitte, oui, mais c’est pour qu’ailleurs, la flamme d’HCE renaisse quelques jours plus tard alors on lui souhaite bon vent et continuons notre épopée. Cependant, il n’est pas question de subir de perte sèche et Alain sort de sa boîte. Profitant de notre passage au stand, Sophie, sa dévouée collègue et amie (précision importante...), choisit le meilleur moment pour nous le rapatrier et enfin, nous faire sortir des cartons la quatrième joëlette protocolaire. Avec un bolide supplémentaire et une compatriote en moins, le périple se corse et nous promet un final au sommet. Bien dit oh narrateur fantasque !
Alors cap sur le refuge de l’Alpe de Villar d’Arène pour l’unique nuit en dur du séjour. La demi- journée de repos a intérêt à avoir été rafraîchissante car l’effort s’annonce intense. Sur le chemin de nos valeureuses troupes se dressent les 400m de D+ des lacets en épingles du GR 54 du tour de l’Oisans. Au cœur de l’effort, à quelques encablures du verrou glaciaire qui marque la fin de l’ascension, c’est au tour de JB d’avoir la bonne surprise de voir ses parents remonter la colonne en file indienne jusqu’à lui. L’exigeante inclinaison surmontée, le vallon s’élargit rapidement et laisse place à un décor fabuleux, très différent du plateau et autres balcons traversés jusque-là. Le refuge tant convoité est désormais à portée de main, face à nous et à notre hauteur, il s’érige, petit écrin de bois en surplomb de la Romanche, déjà gorgée des nombreux affluents qui la grossissent en amont.

Le chalet atteint, toute la bande se débande pour quelques boissons fraîches bien méritées. S’offrant même le luxe du couvert au dîner, certains gourmands font malgré tout la moue en voyant arriver leurs auges. Gérard et Livia, trompés par Willy au plus fort des suées de l’après-midi, attendaient avec impatience une croziflette mirage qui ne vint jamais. Bien essorés, il est temps d’aller s’pieuter pour nos galériens joëlétriers, mais avant la délivrance, encore un petit effort pour hisser la charge par l’escalier. Au premier étage sont juchés les dortoirs alors pas moyen d’y couper, il va falloir les faire grimper, petits passagers.

Reprenant le sentier là où on l’avait laissé la veille, tous et toutes (même Morty, c’est dire...) ouvrent bien grand les mirettes pour profiter au maximum du cadre époustouflant de cette dernière journée passée ensemble. Encerclés des montagnes, en fond de vallée, nos superbes effectifs souriants et non sans mal, au complet, gravissent le col d’Arsine avant de faire demi-tour vers une aire de pique-nique d’anthologie. Solène en particulier, rayonne. Le genoux strappé, restrappé et re-restrappé de bandelettes aux motifs changeants, tient bon alors qu’apparaissent, décalquées sur sa peau, les zébrures d’un bronzage sophistiqué made by Livia.

Après avoir rechargé les outres au refuge de l’Alpe, la joyeuse compagnie glisse jusqu’en fond de vallée se nicher sur un fragile paradis terrestre. Attendant les retardataires, le gros des effectifs écoute religieusement Isa, muée en conteuse, délectant le parterre du cœur de sa nature. Étroit îlot, abreuvé de tout côtés par la confluence du Rif de la Planche de l’Homme et du Rif Chamoissière et cerné de hautes montagnes ouvertes sur le glacier de la Meije, les rares jeunes arbres isolés mouchetant l’étendue de leur ombre délicates... Tout ici concourt à une plénitude qui s’empare de nos liens pour les souder dans le feu du souvenir.
Allez... Je redescends de mon nuage. Allongé dans les herbes, le regard vague, j’entends Myriam, sûrement toujours envoûtée par le charme du lieu, déclarer après le repas, à l’instant où tous se retranchent pour une douce retraite digestive, "Je vais me mettre dans le trou de Charlot..." Pauvre ami, même pas en paix dans un moment si privilégié, vivement que la saison s’achève pour notre benêt de légende. Une franche rigolade et quelques minutes suspendues plus tard, Aurélien endosse le mauvais rôle et sonne le glas de nos rêveries champêtres. Il est temps de partir, franchir le ruisseau qui nous sépare du reste du monde et retourner tâter la caillasse du GR 54 dans l’autre sens.

À l’approche des jolis petits lacets d’amour, Morty, qui sait à quoi s’attendre et ne tient pas, cette fois, à punir sa guide d’une relégation en tant que voiture-balais, débauche au débotté une petite locomotive qui carbure à la joie de vivre et aux bavardises. C’est vous dire si l’alliage dépote. Désormais entraîné par le meilleur rapport énergie/volume de toute la vallée, j’ai nommé Isabelle, Morty détale, rembobinant la brochette de joëlettes tel le chamois son à-pic, jusqu’à brièvement retrouver la vue. Percuté par un rayon moiré à la croisée d’une brillante et fugace silhouette mêlée au flot continu d’alpinistes nous dépassant bien trop vite par la gauche, il a simplement fallu que ce bon vieux Morty confie son épiphanie à sa petite prêtresse d’intendante pour que tout le régiment soit mit au courant, révélant par la même la supercherie de sa cécité.

Finalement dépétrés des inlassables lacets et le sentiment du devoir accompli, la mission HCE rentre le cœur vaillant, préparer en grande pompe sa dernière soirée, en guise de baroud d’honneur.
À l’idée d’une dernière douche qui se profile, Delphine élargit sa liste au Père Noël de prétendants à sa toilette en y ajoutant entre autres Julien. Livia, sage parmi les sages, lui répond "Ju, tu auras du mal à le coincer dans la douche, lui". Toujours dans le registre des nouvelles expériences, Claudette nous confesse ne jamais s’être allongée sur un banc de sa vie et dans notre grande mansuétude, nous lui accordons ce rare privilège. Ainsi, le masque de la quiétude émerge sur son visage.
Enfin réunis autour de l’ultime banquet, le cérémonieux tour de table se lance, émouvant, comme toujours. Parmi les confidences, une nous touche tout spécialement quand Paul s’ouvre à l’assemblée et ripe sur sa langue en nous partageant que pour lui, nous sommes tous déjà "des amis par défaut". On sert alors la ripaille et Vincent, pas le dernier lorsqu’il s’agit de jouer d’la cuillère, nous gratifie d’un de ses questionnements existentiels les plus profonds "Faut-il que je mette la faisselle dans le pot de crème de marron ou l’inverse ?". Nous comprenons pudiquement son dilemme et le soutenons dans cette difficile épreuve. À l’autre extrémité, Isa, grande manitou du dressage culinaire, offusquée du manque de manières de son compère du bout d’la table, délivre sa plus belle assiette à Morty. L’éminent critique esthétique est obligé de relever la prouesse scénographique, qu’il place aux côtés de son exquise tartine au panthéon des œuvres d’art contemporain de la semaine.

La soirée est faste et l’humeur festive. Queuleuleu de massages et parties de jeux sous tensions s’enchaînent sous les rappels au calme d’un camping un peu trop sage pour la célébration légitime de nos derniers moments de communion. Inexorablement, les ultimes frontales s’éteignent et les duvets se réchauffent, je m’endors serein, les pensées virevoltantes à l’idée du riche compte-rendu qui germe déjà sous mon crâne.

Chaleureusement, pour vous servir !
Morty

Morty à la plume & Livia à la relecture / mise en page et vous tous : Paul, Julien, Claudette, les 2 Vincent, Sylvie, Delphine, Solène, Samuel, Adèle, Béatrice, JB, Alain, Gérard, Myriam, Sophie, Pierre, Esther et nos 2 AEM Aurélien et Willy, Isabelle notre intendante.