HAUTS-PLATEAUX DU VERCORS - JUIN 2021

25 janvier Reportages

Il était une fois 4 joëlettes pourvues de 4 passagers : Martine, Evelyne, Rodolphe et Salvatore. Également 2 bâtons confortant Sophie handi marchante, lesquels bâtons bagarraient dans la caillasse pour trouver le bon angle d’appui.
Nos 2 pilotes, Frédérique et Jean-Michel, devaient mener une troupe plutôt incongrue : à part quelques-uns, personne ne se connaît, les galoches piétinent ou vont bon train selon le degré d’enthousiasme de leurs porteurs.
Il y avait un Charlot au doux regard ne disant pas trop fort que, parfois, la charge lui pèse, qu’il aime la liberté…

Dès les premiers tours de roue le ton est donné : on met la corde. Il y a du soleil et des cailloux. A priori, belle météo annoncée pour le début du séjour. Pour de rares moments, ciel gris, plus de cailloux que de soleil.
On est partis de Bois-Barbu. "Ouf ! Descendre du camion pense le Charlot. J’ai l’habitude, mais le camion ça ne me plaît pas vraiment, mes pattes s’impatientent.
Le premier soir presque tout le monde a dormi dehors. J’avais mon enclos, je me suis goinfré toute la nuit ou à peu près".

Dimanche 13 juin
Récit de Charlot :
"Le premier dimanche, il y avait un anniversaire, celui d’Evelyne. Jean-Mi avait prévu une énorme brioche en forme de couronne. Ils ont tout boulotté ! Et ils ont remis ça une deuxième fois avec une autre brioche ; ma part d’avoine, elle, elle est restée la même !

On a marché dans les forêts : résineux et hêtres, c’était délicieux cette ombre, tandis qu’au soleil, ça cuisait ! Sans oublier que les dénivelés du jour c’était pas facile. Heureusement pour ce premier jour de marche ma charge était légère ; le camion suivait.
On est passés à Valchevrière, haut lieu de la Résistance. Le village fut bombardé, seule la petite chapelle n’a pas été détruite ; le reste du village ne montre que les ruines des espaces de vie et de travail agricole.
Pique-nique et petite sieste cocoon.

A un autre endroit, à Malaterre, toujours en référence aux maquisards, mes compagnons ont fait une halte au-dessus d’un gouffre. Oh ! les passerelles, c’est pas mon truc. Frédéric qui m’a mené tout le séjour, bien sympa, patient juste ce qu’il faut, il m’a attaché à un arbre avec la longe.

Lundi 14 juin
Toute la journée, descentes et montées. Pour moi, ça suffit je suis dispensé de la suite. Ils ont longé une grande falaise surplombant une belle vallée. C’était pas large, avec la largeur du bât, je passais pas. Dans le soleil et le ciel bleu, des parapentes les frôlaient. Bouh… J’en ai le vertige…

Puis, destination l’auberge de Roybon. A l’heure du goûter, on y arrive. Grand luxe pour la compagnie – mais pour moi, juste un petit carré d’herbe courte – même si j’ai eu droit à une bonne ration d’avoine. Eux, ils se sont attablés autour d’un verre. Cette halte était aussi l’occasion de douches ! Ah ! Quel potin !

L’aubergiste a expliqué qu’il avait quitté la vie citadine pour ce coin perdu si magnifique. Il ne regrette rien, le tourisme lui rapporte ce dont il a besoin.

Mardi 15 juin
C’est fini pour le luxe. A partir de maintenant c’est plutôt ne pas s’éloigner des sources, fréquenter les "cabanes" ou abris ouverts à tous. On installe le tipi, il y a davantage d’amateurs.
Le Vercors, comme c’est beau. Nous sommes maintenant dans la réserve naturelle la plus vaste du territoire national métropolitain. On a eu de la chance, la météo s’est confirmée favorable quasiment toute la semaine. Dormir à la belle étoile, ce fut une fête pour ceux qui découvraient ce plaisir malgré la rosée du matin qui trempait les affaires. Bof, ça sécherait dans la journée.

Les choses sérieuses reprennent. On suit souvent le GR91 par les petites sentes à peine empruntées à cette période de l’année. Les montagnes plissées encadrent les grandes prairies à l’herbe nouvelle et aux fleurs du printemps : narcisses, troll des montagnes, orchidées sauvages, gentianes au bleu si particulier. Sans oublier les lapiaz – ça, ce sont des cailloux ! – qui demandent beaucoup d’efforts aux accompagnateurs et occasionnent sauts et soubresauts pour les passagers… La difficulté n’est pas moindre pour Sophie, notre amie handi marchante. Chaque pause est appréciée ! Les équipages changent, eux aussi ont des problèmes de poids… Répartir les forces reste le sport quotidien.

Revenons à nos moutons, ou plutôt à 2 de nos farceurs. Ce jour, Sophie et Sébastien sont empêchés pour un genou récalcitrant (essai de genouillère et de cannes) ou pour un dos douloureux et davantage, ce qui les autorise à faire le trajet dans le camion. Eux-mêmes qualifient leur journée de "bourgeoise"… Malin, non ?
Nous arrivons à notre lieu de campement (le Bacha de l’Ours), nuit de camping sauvage. Le tipi est monté juste après que mon enclos ait été délimité.
C’est la préparation du repas : éplucher et couper les légumes pour le repas de midi du lendemain, et pour ce soir c’est riz et champignons à la crème et salade de fruits.

Mercredi 16 juin
Les joëlettes reprennent du service. Nous partons pour 2 nuits de bivouac. La journée sera plus roulante mais aussi plus longue. Nous longeons la chaîne des montagnes et falaises blanches (calcaire) qui surplombent des panoramas aux verts si variés. La pause déjeuner, sous un ciel qui commence à changer - un peu plus gris mais sans pluie – avec un vent qui tourne, permet aux humains de quitter leurs chaussures… momentanément. Les sous-bois alternent avec les terrains à découvert, c’est encore une belle journée de marche : environ 10 ou 12 km.
Nous arrivons au but fixé pour la pause de midi, à "l’Abri de la Jasse du Play". Tout petite surface qui abrite du soleil brûlant lors du pique-nique.

La balade reprend à travers champs et bois de résineux. Les grands champs de fleurs, notamment des gentianes en corolles ou entonnoirs, de plus en plus rares disent les botanistes. Quelques endroits protégés, comme cette réserve naturelle, nous offrent le privilège de les admirer. Auparavant, nous avions vu la gentiane des neiges, toute petite, au ras du sol, d’un beau bleu outremer si saturé. On a remarqué aussi les méfaits du changement climatique et ses sécheresses récurrentes. Beaucoup d’arbres morts, à terre ou encore debout, parsemés ici ou là… Autre protection à assurer, celle des tétras-lyre (petits coqs de bruyère) et des grands tétras (coqs de bruyère) ; ces espèces sont recherchées par des chasseurs abusifs. Sur ce territoire, ces oiseaux sont pourtant une espèce protégée.

Le ciel s’assombrit quelque peu, encore quelques derniers efforts pour se poser dans un espace voué au pâturage en été ; les abreuvoirs en attestent. Il y a des bouquets d’arbres où certains de l’équipe vont installer leur couchage. J’y passerai aussi une partie de la nuit, à l’abri du vent.
Un moment de détente avant de préparer le repas avec Jean-Mi. Ah, j’ai oublié de vous dire que dans cet endroit, je n’ai plus aucun licol, me rouler sur les taupinières, c’est génial et je m’amuse à cavaler, légèrement, oui légèrement, broutant à plaisir.

Bientôt le tipi est monté, quelques gouttes de pluie ne sont pas impossibles.
Ils sont tous affairés à rentrer les matériels de couchage et vêtements. La petite pluie n’a pas duré. Ils ressortent les sacoches des joëlettes et les coussins pour ceux qui en auront besoin.
Tiens ! un bon souvenir ; il y a là une bonne odeur : celle de la pomme. Elle est dans une sacoche bien fermée. Personne alentour. Je croque ; j’ai croqué au travers du tissu. C’est tout ce que j’ai pu faire. Et puis, j’ai été repéré pour mon forfait et entendu quelques remontrances… Mais enfin, il suffit d’être patient, ils ne vont plus la manger maintenant cette pomme, je vais la récupérer !
Qui fut dit, fut fait.

Pas très loin de là, un joli moment de plaisir pour Martine et ceux autour, lorsqu’aidée pour faire quelques pas, elle voit les gros champignons blancs – les vesses de loup – autour d’un rocher fleuri et moussu. C’est un grand rire qui s’empare d’elle et se fait communicatif.
La fatigue se fait sentir, le vent frais pousse à se presser pour le dîner, et moi, je cavale au loin, je reviens, ah oui, ça j’apprécie".

Jeudi 17 juin
Petit aparté d’une bavarde : les journées passent vite.
Il y a des matinaux parmi les accompagnateurs : Frédéric et Fred (on avait 3 Frédéric/Frédérique/Fred dans le groupe…) s’en vont en balade vers 5h30 le matin, histoire de voir les alentours de plus haut ; les crêtes se découpent dans les beaux levers du jour.

Debout pour la troupe, 6h30. Petit-déj, rangements, tout est prêt pour m’équiper du bât et autres sacoches. J’ai apprécié la liberté, oreilles au vent ; je suis d’humeur joyeuse ce matin.
Joyeux, je le suis ça oui. Ah ! Ce merveilleux moment où j’ai fait "marcher" Frédéric (dans tous les sens du terme). Dès qu’il m’approchait – je savais bien qu’il voulait me bâter – pfuit ! je partais d’une course légère, broutant l’herbe tendre mais… toujours l’œil aux aguets. Franck a bien essayé, pfuit ! pareil.

Puis ce furent les filles. Pareil, sauf que… La petite ronde a duré à peu près 35’. Dès qu’elles avançaient je prenais le petit trot. Je me sentais si bien. Jusqu’au moment où les malins ont ourdi le projet de m’encercler. Ah, les vilains ! M’attirant dans un creux par quelque menue, très menue friandise, c’est Camille qui a fini par me charmer. La traîtresse ! Ç’aurait pu être Margot ou Sally ! Toutes les trois, petites malignes, au début elles m’ont approché doucement !

Ça n’a pas duré… Bref, revenons à nos moutons, ou plutôt à nos vilains : ils m’ont encerclé, se rapprochant doucement autour de moi. J’ai voulu attraper une touffe d’herbe – j’aurais peut-être pas dû – et relevant la tête, je me suis senti piégé. Vincent, je l’aime bien, c’est lui qui m’a caressé, comme pour une récompense qu’il m’accordait pour avoir obéi. Je ne pouvais rien faire d’autre que me rendre, hein…
Ils ont bien vu quand même que j’aurais aimé gambader encore. Enfin, malgré la charge sur mon dos, je peux dire que je vois du pays.

Nous partons. A nouveau les cahots, plus ou moins raides. De très rares fois un instant "moquette" sur l’herbe très dense. Les difficultés sont moins importantes que précédemment. Fin de matinée, c’est l’arrivée sur un promontoire, points de vue à l’infini, soleil revenu. C’est la recherche de l’ombre pour s’installer et récupérer de la fatigue : les dénivelés permanents, petits ou longs, combien encore ?

En repartant, nous croisons un jeune couple. Un peu à l’arrache, ils sont "embauchés" ; on est juste en bas d’une courte montée, bien raide. Ils se mettent dans la corde et hop, c’est juste un petit plus, très apprécié. Ils ont gagné quoi ? un flyer de l’association bien sûr. Tout près de là, 3 chevaux dans un enclos. Chevaux magnifiques, qui finissent par venir vers nous. Sont-ils là pour une saison touristique ? Le lieu s’y prête.

Et voilà, encore 2 heures avant d’arriver à la "cabane" suivante, confortable en surface : l’abri de "Pré Peyret – 1600 m". Quand nous y parvenons, le soleil est encore très haut. C’est un endroit relativement fréquenté. Dès que l’occasion s’y prête, Franck s’acquitte de la mission "communication" avec le plus grand sérieux.

Pour trouver de l’eau, il faut parcourir les 600 m qui nos séparent de la source. Les 3 jeunes copines s’en chargent, réunissant gourdes et récipients, le tout placé sur une joëlette.
Après le dîner, nous avons eu droit à quelques gouttes de pluie, vite disparues, puis un magnifique coucher de soleil. Nous étions tous là à regarder, figés. C’était un beau salut pour l’avant-dernière soirée. La moitié du groupe dormira à l’intérieur, à l’étage, sur un beau plancher refait à neuf.

Vendredi 18 juin
Dernière journée. Alors que tout est prêt pour le départ, nous voyons de loin quelques petites formes au pelage brun clair. Ceux qui sont près de la source arrêtent leur activité, tout le monde regarde espérant ne pas effaroucher les bouquetins venus se rafraîchir. Petits et grands n’ont pas l’air d’être effrayés, les appareils photo sont de service. Savoureux instants inattendus pour laisser filer le temps.

Nous redescendons vers des altitudes plus fréquentées. Toujours des cailloux et petits rochers, à contourner si possible. Notre pause déjeuner se fait à la "Cabane des Ours". Nous sommes en lisière de champs et forêt. Il est temps d’entreprendre le dernier segment de chemin qui nous amène au pied d’une station de ski, sur le plateau du Beurre.
Il faut maintenant aller chercher les voitures, l’aller en camion + le retour devant durer environ 2 heures. Tipi monté une dernière fois, table dressée aussi.
C’est un festin que Jean-Mi a préparé (avec la complicité de son épouse, merci à elle). A boire et à manger. Pour le moins une certaine fébrilité (une bonne bouteille !) s’ajoute à la fatigue du séjour. C’est aussi le moment de la photo de groupe. Nous allons tous sur le parking jouxtant le site. Des touristes hollandais sont sollicités pour prendre LA photo. Monsieur vient bien volontiers et s’amuse de toute cette agitation et surtout, se montre très curieux quant à moi, Charlot. Il rit de bon cœur, son épouse arrive, intriguée de cette hilarité. On ouvre la porte du camion pour lui prouver que et comment l’âne est transporté. Il ne le croyait pas.

La fête continue. Tour de table. C’est toujours un moment de vérité. Tandis que nous mangions, un jeune homme croisé à plusieurs reprises sur notre parcours – Thierry - s’est à nouveau trouvé avec le groupe, juste au moment du dessert, tiens donc… Il a assisté à ce moment d’expression, fut impressionné par Rodolphe avec qui il est allé discuter après. Que croyez-vous qu’il fera ? Viendra ? Viendra pas rejoindre HCE ? Ce n’est pas impossible.

Au fait, Margot a dit pour le séjour : "Un grand plaisir, ce fut de manger du nougat dans l’herbe"… Chouette, non ?

Un grand merci à tous les participants, chacun ayant apporté ce qu’il - ou elle - est. A bientôt sur de nouveaux chemins : il était une fois 4 joëlettes…".